Pour la famille des journalistes, il restera éternellement le porte-étendard de la lutte en faveur de la liberté d'expression. Abdelhamid Benzine est décédé jeudi 6 mars 2003. Pour la famille des journalistes, il restera éternellement le porte-étendard de la lutte en faveur de la liberté d'expression. Atteint d'un mal redoutable, il fut suivi médicalement des semaines entières à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja par les meilleurs spécialistes de l'établissement. De nom-breux amis venaient régulièrement lui rendre visite. Des professionnels de la presse, mais aussi des hommes politiques avec lesquels il avait milité pour l'Indépendance pendant les temps cruciaux de la phase pré-insurrectionnelle. Outre ceux-ci, un médecin - Kamel Yessad - lui rendait souvent visite. C'est d'ailleurs lui qui a averti le Chef du gouvernement, M.Ali Benflis qui, toutes affaires cessantes, s'est rendu à Aïn Naâdja pour s'incliner devant la dépouille de celui qui fut, depuis l'âge de 13 ans, en 1940, un inflexible militant de la cause nationale. Lycéen, il rencontra sur son chemin Kateb Yacine, l'autre chantre de la liberté et de la dignité humaine dont il disait souvent qu'il était précoce pour son âge. A l'âge de 17 ans, Abdelhamid Benzine est confronté pour la première fois de son existence à la dureté des geôles coloniales dont il endurera la torture, le poids de l'enfermement et la misère pendant toute une année. Sorti de prison, plutôt que de gagner une agglomération urbaine où il pourrait se faire oublier, il prend le chemin des Aurès pour y vivre en clandestin, et ce n'est finalement qu'en 1953 qu'il rejoint l'équipe d'Alger Républicain le grand journal qui prenait à l'époque fait et cause des pauvres et de la classe ouvrière, entre autres thèses de la politique défendue par le Parti communiste algérien. Sur les «trois départements français» d'Algérie vivaient alors deux communautés vouées depuis les «événements de Sétif et de Kherrata» à ne plus jamais tenter la moindre réconciliation entre elles. Envoyé spécial du général de Gaulle pour procéder à une enquête approfondie sur ce qui s'était passé à l'est du pays le 8 mai 1945, le général Thubert revient à Alger après deux jours d«'investigations» trop vite menées en signant un rapport dans lequel il était souligné que la «paix coloniale» ne saurait durer au-delà des dix ans à venir. Après quoi, personne ne sait sur le moment ce qui allait advenir du pays. Neuf années plus tard, c'est l'embrasement, une guerre qui va durer plus de 7 ans, mais et au bout de laquelle une partie des aspirations de Abdelhamid Benzine sera concrétisée. Pendant la Guerre de Libération, Benzine, dont les convictions étaient loin d'être théoriques, rejoint les rangs de l'ALN après l'expérience des «combattants de la liberté» dans les monts du Zaccar et dans l'Ouarsenis. De son expérience dans l'ALN, Benzine s'en tire avec le grade d'officier. A l'indépendance, fidèle à son journal, on le retrouve à la tête de la rédaction d'Alger Républicain assurant la rédaction en chef avec son ami et complice de toujours Boualem Khalfa, lequel exerçait, en fait, la fonction de directeur du quotidien qu'il partageait avec Henri Alleg. Au sein de la rédaction du quotidien de la rue Berlioz qui venait réoccuper son local d'origine à la faveur d'un coup de pouce de la présidence, le trio Abdelhamid Benzine, Boualem Khalfa et Henri Alleg travaille pour permettre au journal de retrouver son lustre d'antan que la jeunesse de l'indépendance appréciait pour ses comptes-rendus bien limpides et profondément intelligibles. Après avoir repris la publication à l'indépendance sur une feuille de journal seulement, Alger Républicain est vite monté en cadence. Comme par le passé, sa rédaction était multiconfessionnelle. Cela jusqu'en 1964. Au lendemain du 19 juin 1965, la donne, qui venait de changer de main, n'envisageait rien de rassurant pour Abdelhamid Benzine et ses camarades qui, des mois auparavant, avaient commencé à prendre les précautions d'usage pour éviter les chausse-trapes. Bref, les scellés apposés sur le titre d'Alger républicain poussent beaucoup de journalistes comme Zanetacci, Jean-Pierre Saïd et d'autres à quitter l'Algérie. Alors que Abdelhamid Benzine, Boualem Khalfa et la plupart des journalistes algériens comme Saïd Mekbel entraient en clandestinité. Le retour à la «normale» à la suite des événements d'Octobre 1988 devait mener Alger Républicain et ce qui restait de ses responsables à reprendre la publication du quotidien. Mais les temps avaient changé. Benzine, qui eut l'honneur de relancer la machine du journal, compta beaucoup sur les «amis d'Alger Républicain» pour relancer son journal, mais n'y parviendra pas tout à fait. Après quelques années d'un travail acharné, il décide de se retirer progressivement du circuit sans rien renier des principes qui l'ont conduit à lutter durant toute sa vie pour l'indépendance, la liberté d'expression et la dignité humaine. En nous quittant c'est l'image d'un géant que nous conserverons dans nos mémoires pour l'éternité. Adieu Abdelhamid! Surtout ne cesse jamais de nous hanter pour nous rappeler que dans la vie, il n'y a pas que l'argent qui compte.