Ça en a tout à fait l´air, d´autant que Washington n´a cessé de renforcer son potentiel militaire dans le Golfe. Le président américain George W.Bush a organisé une dernière concertation, aux Açores, avec ses deux «lieutenants» les chefs des gouvernements britannique, Tony Blair, et espagnol, José Maria Aznar. Ce sommet à trois devait s´ouvrir dans l´après-midi d´hier dans la presqu´île des Açores au Portugal. D´aucuns ont formulé le voeu que ce sommet ne se transforme pas en «conseil de guerre» et laisse encore ses chances à la diplomatie. Cependant, à en croire les déclarations des différents responsables américains, qui se sont exprimés ces derniers jours, la diplomatie aurait fait son temps. En clair, il n´est plus question, selon eux, de tergiverser, il faut aller «droit au but». C´est, dans les faits, ce qu´affirme le président Bush, selon lequel, Saddam Hussein n´a pas «désarmé». S´il est évident pour George W.Bush que Saddam Hussein n´a pas «désarmé», il faut encore savoir la signification que donne le président américain à cette affirmation surtout lorsque la communauté internationale, qui ne se réduit pas, à ce que l´on sache, aux seuls Etats-Unis, pense le contraire estimant que rien ne justifie cette guerre programmée et le fait savoir. Ainsi, outre la déconsidération du Conseil de sécurité, à défaut de sa mise sous tutelle, les puissants de l´heure s´arrogent-ils le droit de dire que la communauté internationale ce sont eux. C´est du moins ce qui ressort des déclarations du chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar quand il estime que «la dernière chance d´éviter la guerre est désormais dans les mains de Saddam Hussein. Il peut éviter les conséquences graves dont l´a menacé la communauté internationale». Or, la communauté internationale, tant par la voix de ses plus illustres représentants comme les présidents français Jacques Chirac et russe Vladimir Poutine, ou le chancelier allemand, Gerhard Schröder, que par les immenses manifestations populaires, - notamment en Espagne où des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre la guerre -, a clairement signifié son refus du fait accompli de la force. Hier encore, le pape Jean-Paul II a exhorté à la retenue, indiquant: «Je veux rappeler aux membres des Nations unies et en particulier à ceux qui composent le Conseil de sécurité, que l´usage de la force représente l´ultime recours après avoir épuisé toutes les solutions pacifiques, comme le souligne la charte de l´ONU». Le constat est que, unanime, la communauté internationale rejette la force comme solution à une crise qui peut se résoudre par des moyens plus pacifiques. Il est patent, toutefois, que le sommet à trois des Açores va s´efforcer de rendre l´ouverture des hostilités irréversible. C´est notamment le sentiment du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, - qui a beaucoup bataillé au Conseil de sécurité, pour un désarmement pacifique de l´Irak - selon lequel, «on peut difficilement voir ce qui pourrait arrêter cette machine (la guerre) et que le conflit risquait d´éclater dans les prochains jours». Sans doute juste après l´expiration de l´ultimatum américain, prévue pour aujourd´hui. Se réunir, en conseil de guerre, à la veille de la date butoir du 17 mars, fixée par les Etats-Unis, est assez significatif de la direction que Washington compte faire prendre à ce sommet avec ses alliés britanniques et espagnols. Toutefois, il reste encore, et toujours, la lancinante question de la légitimité d´une action qui va plonger le monde dans le chaos. Reconnaissant cependant aux Américains qu´ils n´ont jamais caché que tout ce qu´ils font dans l´intérêt des Etats-Unis est " légitime ", le président Bush, répétant tout récemment: «Mon travail est de protéger l´Amérique, et c´est exactement ce que je vais faire». Qui protègent MM.Blair et Aznar? Sans doute pas les Britanniques et les Espagnols, majoritairement opposés à la guerre? Désarmer Saddam Hussein entre-t-il dans les prérogatives du mandat que les peuples britannique et espagnol ont confié à Tony Blair et José Maria Aznar? Tout compte fait, le sommet des Açores suscite plus d´interrogations qu´il n´apporte de réponses, cela, d´autant plus, si le résultat est l´annonce d´une guerre imminente comme l´appréhende la communauté internationale. Kofi Annan rappelait l´autre jour que seul le Conseil de sécurité de l´ONU était habilité à autoriser l´emploi de la force contre un Etat souverain. Mais le triumvirat des Açores, sous la férule de Bush et, passant outre la charte de l´ONU, n´est plus à ce détail près qu´est la légalité internationale.