Après Saragosse et Salvador de Bahia, Marseille accueille, avec un regard particulier, la troisième édition du «Strictly Mundial», dont l'Algérie. Notre pays, partenaire de la manifestation par le biais du label de «Djazaïr une année de l'Algérie en France», participe à la manifestation avec la programmation de beaucoup d'artistes qui contribuent à la réflexion initiée par les professionnels spécialisés dans les musiques du monde. Au carrefour de l'Europe et de la Méditerranée, riche d'une tradition d'ouverture et de dialogue, voilà que Marseille, plus de 40 ans après l'indépendance de l'Algérie, fête l'année d'El Djazaïr. Pourquoi cette année? Fortement condensée dans la ville de Marseille, pour la communauté «pied-noir» qu'on a pu approcher, cette année est celle de la douloureuse rupture amoureuse d'un pays à qui elle a été enracinée. La rupture amoureuse! Mais peu importe, disent-ils, quelle que soit l'année, ce pays mérite qu'on le fête sauf que : quelle Algérie fêter? Le «Strictly Mundial» 2003 inauguré mercredi passé par M.Gaudin maire de Marseille n'apportera sans doute pas les curieuses réponses que notre communauté se pose concernant cette année de l'Algérie, mais permet aux deux villes de se réconcilier encore une fois. Fondées toutes deux presque à la même époque par les Phéniciens, Marseille et Alger ont le destin de se faire face pour l'éternité. Comme le dit Fellag, elles s'aiment, se jalousent, se fâchent, se font la gueule...A Marseille, la communauté algérienne a dressé une pancarte où on peut lire: Là s'arrête la France. Un signe pour dire justement que cette ville est la plus orientale de la France, et personne, ni en Algérie ni ailleurs, ne niera le fait que notre pays est le plus occidental de l'Afrique du Nord. En dépit des années de crise en Algérie, Alger fait la fière et Marseille fait la moue, lui tourne le dos et regarde vers le nord mais, dans chaque recoin de l'une, on perçoit l'ombre, la lumière et les fantasmes de l'autre...Et puis soudain, 2003 propose à cette ville un projet qui semble au départ politique et auquel on colle surtout l'étiquette de label électoral et à qui nombre d'artistes se soustraient. Fellag qui présentera sa dernière création Opéra d'Casbah dans cette ville au mois de mars ne cautionne pas et insiste sur le fait qu'il n'est pas officiellement programmé pour l'année de l'Algérie, Idir se rallie sans se renier et à chacun son attitude. En parallèle, Gnawa diffusion et cheb Mami se rallient au projet et adoptent une politique de la scène. D'ailleurs, côté algérien, même s'il y a contestation, tous les artistes ne sont pas contre cette manifestation, Aït Menguellet est donné comme exemple en France lui qui explique que c'est à l'artiste de voir, de décider: «Ne décidez pas à notre place», aurait-il dit dernièrement dans la presse nationale. Quoi qu'il en soit, dans les mairies de Marseille notamment des 13-14 ème arrondissements, l'administration a souhaité mettre la culture de l'Algérie à l'honneur. Elle représente 135.000 habitants et l'opportunité de Djazaïr a été saisie pour valoriser la culture de notre communauté (expos, concerts...) Pierrette Baltz, chargée de la culture dans ces arrondissements nous déclare: «Nous avons fait le plein des salles. Nous avons également tissé des liens avec les associations de femmes, lancé des invitations et ça a bien répondu.» Françoise Allaire est la commissaire générale de l'année de l'Algérie, placée sous l'égide de l'AFFA. Présente à Marseille pour le lancement de Strictly Mundial elle intervient sur la place qu'occupe Marseille par rapport à cette année:«Pour beaucoup d'Algériens, Marseille reste le 37e département d'Algérie, c'est dire les liens existants...sauf qu'à Marseille, contrairement aux grandes villes françaises, il n'y a pas encore un grand événement leader qui se dégage. Je pense que c'est dû à une certaine prudence, à l'égard d'autres communautés dont on veut ménager les susceptibilités...Cela dit, il n'y a ni tabou ni censure et ce des deux côtés de la Méditerranée. La seule chose qui nous intéresse, c'est l'aspect artistique, sachant que les dossiers qui nous sont soumis sont avalisés par l'Algérie et la France. Actuellement, on compte donc 800 projets labellisés, ce qui correspond à 2000 manifestations, une création théâtrale pouvant déboucher sur une tournée, etc». Sur la face cachée de la politique de cette manifestation Françoise Allaire répond: «Certains intellectuels et certaines ONG nous mettent en garde, arguant que cette année apporte une caution à Bouteflika et à un pays où les droits de l'homme ne sont pas respectés. Cela prouve que la France est un pays démocratique! Et cela va nous amener, de toutes façons, à parler de l'Algérie, à la sortir de son ghetto. Ce qui ne peut que contribuer à améliorer les droits de l'homme là-bas...En outre cette année ne se limitera pas à 2003, il va en rester des choses pour plus tard. Des liens se sont créés. Grâce à ces échanges, on fait évoluer, notamment sa politique culturelle...» Pour cette semaine, c'est à Hasna el Bécharia (héritière d'une lignée de musiciens gnawas), Rym Hakiki ( qui a su allier l'héritage traditionnel de Nassim el andalouss aux sonorités du flamenco), cheb Adel (le fan des mélodies orientales) et aux Hamma Boys (pionniers de la scène hip-hop en Algérie) invités d'honneur au «Strictly Mundial» d'être à la hauteur de l'écoute de notre communauté de Marseille toutes origines confondues, une communauté qui a vraiment soif du pays de la Méditerranée des odeurs de jasmin et de ses belles mélodies.