«Celui qui veut occuper une terre doit déployer des fantassins», avait prévenu Saddam avant le début de la guerre. Depuis Londres, le ministère de la Défense a annoncé la mort d'un 26e soldat britannique lors d'une opération de déminage sur le front sud. Pour sa part, le Pentagone comptabilise 41 soldats américains tués depuis le déclenchement des hostilités. Parallèlement, des bombardements qualifiés «d'horribles» par le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) ont eu lieu, dans la matinée d'hier dans la ville d'Al-Hillah, au sud de Bagdad. Dans la même région, la Garde républicaine irakienne s'est déployée sur un arc pour faire barrage à l'avancée des forces américano-britanniques. Ce prélude à la bataille de Bagdad, que Saddam a fini par imposer, inquiète déjà les stratèges de guerre qui annoncent un bain de sang. Le président américain a beau affirmer que chaque jour qui passe rapproche les forces américano-britanniques de Bagdad, celles-ci semblent piétiner dans le désert sans avoir pris la moindre grande ville irakienne. La confusion, l'inquiétude et la polémique s'installent au sein des plus hautes instances américaines. Le Pentagone accuse la CIA d'avoir fourni des informations erronées, la CIA dénonce le manque de formation des généraux sur le terrain et les généraux, à leur tour, accusent Rumsfeld de limiter le nombre des troupes engagées sur le terrain des opérations. La presse américaine a nourri la polémique autour du secrétaire à la Défense américain Donald Rumsfeld, accusé par de hauts responsables militaires, d'être intervenu pour limiter les effectifs engagés en Irak. Des journaux favorables à la guerre ont, pour la première fois, titré sur les «carnages» commis en Irak contre les populations civiles. Près de la frontière irako-koweïtienne, «les nerfs sont à fleur de peau, certains officiers comparant Rumsfeld à Robert McNamara, l'architecte de la guerre du Vietnam qui avait échoué à comprendre les réalités politiques et militaires du Vietnam», rapporte le New York Times, un quotidien américain. Une tribune du Washington Post souligne, de son côté, que l'Administration Bush a réussi à faire en une semaine ce que le président Johnson a mis plus d'un an à achever lors de la guerre du Vietnam, c'est-à-dire créer le doute sur la crédibilité du «plan» militaire. A ce revers, il faut ajouter le dilemme du climat. Les troupes alliées en Irak vont, dès vendredi, être confrontées à leur première véritable vague de chaleur. Cette forte hausse des températures, la première de la saison, avec le thermomètre atteignant 38°, devrait se poursuivre pendant le week-end, avec des températures de 41 degrés, selon les experts. Après quatorze jours de conflit, le cours des événements semble, pour le moment, donner raison à Saddam. Le chef d'Etat irakien répétait lors de réunions quasi quotidiennes avec ses officiers qu'il comptait laisser faire les forces américaines et britanniques dans le désert et les attirer vers une guérilla urbaine dans les villes, notamment à Bagdad. «Le débarquement aura lieu dans des régions lointaines, et les médias de l'ennemi commenceront à en parler, annonçant que des forces sont à telle distance de Ramadi (à 100 km à l'ouest de Bagdad) et qu'elles sont en route pour occuper telle ville. C'est ainsi qu'il fera son show», a-t-il affirmé lors d'une de ces réunions fin janvier. Saddam Hussein a prévu ce scénario. «Celui qui veut occuper une terre doit déployer des fantassins». Nous y reviendrons.