Ce déplacement sera son premier voyage à l'étranger depuis la guerre du Golfe. Est-ce pour redorer cette image négative, que Bush a décidé de dépêcher son secrétaire d'Etat Colin Powell pour une tournée à Ankara et à Bruxelles? L'ancien commandant des forces armées US lors de la première guerre du Golfe en 1991 a, paradoxalement, gardé son capital de sympathie, apparaissant même comme une colombe par rapport aux faucons du Pentagone, et aujourd'hui c'est à lui qu'on fait appel pour essayer de «ramener à la raison» les Turcs récalcitrants et les Européens divisés. Ce déplacement sera le premier voyage de Colin Powell à l'étranger depuis la guerre du Golfe. Le fait même qu'il soit programmé est une preuve d'un grain de sable dans la diplomatie US, qui avait tablé sur la toute-puissance de ses armes pour faire taire les opposants à sa politique. Après que se sont envolés les espoirs d'une victoire éclair, Colin Powell va essayer, à Ankara, de formuler de nouvelles demandes et d'obtenir de nouvelles facilités. En premier lieu, il s'agit, pour lui, d'apaiser les tensions ayant suivi le refus d'Ankara d'autoriser le transit sur son territoire de troupes américaines se rendant au Golfe, obligeant les alliés à remettre à plus tard l'ouverture d'un front nord, et ensuite de réaffirmer «solennellement» l'opposition de Washington à l'incursion de troupes turques dans le Kurdistan irakien. Mais en outre les observateurs croient savoir que Colin Powel ne s'en tiendra pas là, et qu'il essaiera d'arracher au gouvernement de M.Erdogan, islamiste bon teint, l'autorisation d'utiliser certaines bases turques, modernisées par l'armée américaine il y a trois mois, après une remise en l'état effectuée dans plusieurs aérodromes turcs, après un feu vert du Parlement turc. En consentant un tel investissement, Washington comptait bien en récolter les fruits au moins sous la forme d'un soutien logistique dans sa guerre contre l'Irak. Le froid soudain dans les relations entre Ankara et Washington surprend tout en ayant des explications. Il surprend parce que la Turquie est vraiment l'allié le plus sûr des Etats-Unis en Méditerranée orientale. Et le refus d'Ankara a bousculé la stratégie US et a obligé le Pentagone à modifier en profondeur son plan de guerre en Irak. Certaines difficultés des alliés dans leur offensive contre Bagdad trouvent leur source dans la position turque. Mais en même temps on ne pouvait pas s'attendre à une autre attitude de la part du gouvernement turc, obligé de tenir compte et de sa majorité parlementaire et de l'opinion publique, largement hostile à l'agression américaine. Jeudi, Colin Powell atterrira à Bruxelles. Dans la capitale de l'Union européenne, le secrétaire d'Etat US ne jouera pas non plus sur du velours. Lors de ses discussions avec les responsables de l'OTAN et ceux de l'UE, Colin Powell demandera à ses interlocuteurs, jusqu'ici divisés sur l'opération des alliés dans le Golfe, d'accorder leurs violons. Des entretiens sont déjà programmés avec la troïka européenne, à savoir le représentant pour la politique extérieure Javier Solana, le chef de la diplomatie grecque, Papandréou, dont le pays assure la présidence de l'UE, et le commissaire européen chargé des relations extérieures Chris Patten. On assure que plusieurs ministres européens des Affaires étrangères, dont Dominique de Villepin et l'Allemand Joshka Fischer, doivent être associés aux discussions. Avec ce déplacement décidé en dernière minute de Colin Powell, la diplomatie veut couvrir le bruit infernal des canons et reprendre du poil de la bête. Mais n'est-il pas déjà trop tard?