«Certains hommes, malheureusement, aiment cultiver l'oubli pour tout ce qui viendrait griffer leur amour-propre.» Dans son très court roman, plutôt une longue nouvelle, ayant pour titre Le désordre humain conté à mon petit-fils (*), Aïcha Bouabaci donne à la narratrice tous les pouvoirs de dire, d'observer, et même de décider. Quelle fière liberté et surtout quelle juste revanche sur «le désordre (qui) décidément ne connaît pas de frontières»! Oui, l'écriture - tous les rebelles, toutes les rebelles, devrais-je dire, l'ont compris - est d'une infinie puissance lorsqu'elle oeuvre dans les longs sentiers de la liberté, et davantage lorsqu'elle développe et soutient inlassablement l'idée digne de la dignité humaine. L'écriture devient héroïque, car frondeuse, courageuse, et par sa grande générosité, elle est toujours victorieuse. De plus ici, Aïcha Bouabaci passe par l'idée du «conte» pour laisser son message de conscience à son petit-fils Yazid. Après tant de rancoeur et de colère contre «l'ordre», contre «le désordre», contre l'homme, contre l'histoire, et «dans ce monde où la parole de la femme ne vaut que la moitié de celle de l'homme quand celle de l'homme ne vaut elle-même parfois rien», elle écrit, constatant et recommandant: «La moisson est féconde. L'humanité noble et douce existe. Ne l'oublie jamais.» Peut-être, faut-il dire que notre auteur, née dans le Sud algérien, bientôt sexagénaire, a étudié l'arabe, le français et l'espagnol: cela lui a ouvert des horizons qui l'émerveillent encore. Une fois faites ses études littéraires et ses études de droit à l'université d'Alger, elle a étudié aux Pays-Bas le droit international (public et humanitaire): cela lui a donné, d'une certaine manière. de l'assurance. Elle a enseigné le français en Algérie et en Allemagne à l'université, successivement à Heidelberg et Giessen: cela lui a permis de porter loin sa voix...