Hier, l'ambassadeur russe en Irak a officiellement accusé les Américains d'avoir délibérément visé son convoi. Moscou et Washington frisent l'incident diplomatique grave. Les tirs délibérés essuyés dimanche par l'ambassadeur russe en Irak n'en finissent pas de faire couler encre et salive. Les «excuses» de Powell à son homologue et les accusations lancées à la volée contre les forces irakiennes sont loin de suffire à effacer totalement l'incident entre les deux pays, déjà en «froid» depuis le déclenchement de la guerre contre l'Irak. C'est dans un climat aussi tendu, annonçant le retour de la guerre froide puisque la Russie a renoncé à détruire certaines de ses armes en attendant d'y voir plus clair, qu'est intervenue, hier, la visite en Russie de la conseillère américaine pour la sécurité nationale Condoleezza Rice. Cette dernière, reçue par le président Poutine, a tenté d'amadouer le locataire du Kremlin en soulignant, sans l'air d'y croire elle-même, que «si les troupes américaines ont tiré sur un convoi russe en Irak, ce n'était pas intentionnel». Loin de faire amende honorable, comme l'aurait voulu la gravité de l'incident, Mme Rice a «atténué» cette admission conditionnelle en soulignant que les Américains «n'acceptaient pas la responsabilité» de l'incident. Cette sortie confirme bien que les Américains, dopés par leur victoire-éclair sur l'Irak, ont l'intention d'étendre leur hégémonie au monde entier, y compris la Russie. Cette volonté semble dépasser toute autre considération puisque, même la mission première de Mme Rice à Moscou semble avoir été «oubliée» chemin faisant. Reçue durant une heure au Kremlin par le président russe, accompagné de ses ministres des Affaires étrangères, Igor Ivanov, et de la Défense, Sergueï Ivanov, Mme Rice a juste souligné «la volonté permanente du président Bush de garder les relations russo-américaines sur la bonne voie en dépit de très sérieux désaccords sur l'Irak». Cela avant de mettre les Russes devant le fait accompli - qui ont beaucoup à perdre à la suite de la chute du régime de Saddam - en soulignant que la coalition jouerait un rôle déterminant dans la période qui suivra immédiatement l'opération militaire contre l'Irak, mais qu'ensuite d'autres auront un rôle à jouer. D'emblée, donc, les Russes, les Européens, les Arabes et mêmes l'ONU sont exclus de la gestion de la phase post-Saddam. Moscou, qui perd beaucoup au change dans cette affaire avec les nombreux contrats pétroliers qui peuvent ne jamais être honorés, risque fort de monter sérieusement au créneau, quitte à prendre pour prétexte l'agression dont a été victime un de ses ambassadeurs de la part des forces de celui qui n'a jamais autant mérité son qualificatif de gendarme du monde.