Peut-on construire la démocratie et une presse crédible avec des lois restrictives et contraignantes? «Il n'a jamais été question du retrait du pré-avant-projet» de la nouvelle loi sur l'information. Ce démenti catégorique, que vient de faire la ministre de la Communication et de la Culture, porte-parole du gouvernement, Mme Khalida Toumi, à la faveur d'un entretien qu'elle a accordé à la revue trimestrielle Profils paraissant à Tizi Ouzou, met fin aux bruits et autres indiscrétions qui ont couru, ces derniers temps, quant au gel pur et simple, par les plus hautes autorités du pays dudit avant-projet. En fait, depuis les amendements introduits par l'ex-ministre de la Justice, M. Ahmed Ouyahia, au Code pénal punissant sévèrement les journalistes coupables de délit de diffamation (fortes amendes et peines de prison), la polémique et la controverse sur ce sujet vital pour toute construction démocratique effective et crédible, ne cessent d'alimenter de temps à autre les débats et les chroniques des gens de la corporation. Surtout que la responsable du secteur donne l'impression de ne pas savoir comment aborder aujourd'hui le sujet, elle, qui avait fait de ce thème ainsi que de celui relatif à la réforme du Code de la famille son cheval de bataille du temps où elle animait les rangs de l'opposition aux pouvoirs publics. Certes, la porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication crie dans cet entretien, à qui veut l'entendre, qu' «au contraire le texte a été soumis à débat, et les professionnels de la presse ont émis leur avis et leurs critiques qui (selon elle) seront pris en considération dans la mouture finale du document». Elle avait même annoncé à la mi-mars, lors d'une rencontre avec les journalistes au CIP (Centre international de la presse), l'organisation, début de ce mois, de trois rassemblements régionaux (Oran, Annaba et Ghardaïa), afin de débattre de ce dossier. Ces derniers devaient être suivis d'une rencontre nationale à Alger, le 3 mai prochain à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Mais, jusqu'à présent, les professionnels du domaine n'ont rien vu venir de concret et se demandent même si les bruits relatifs au gel de l'avant-projet de loi sur l'information, dont les grandes lignes ont été rendues publiques sur le site Internet du ministère concerné il y a quelques mois, ne s'avéreront pas effectifs. Cela d'autant que les hostilités militaires dans le Golfe aidant à la léthargie nationale et les velléités de confusion des genres ont été relevées par nombre d'observateurs. En effet, en évoquant dans son entretien à la revue Profils, d'autres volets liés de près ou de loin à l'information, comme la diffusion, la publicité et la communication dans les entreprises, la première responsable du secteur de l'information a estimé tout de go que «tout ce qui est en relation avec le marketing, la publicité et donc la communication en général est assez récent en Algérie». Dans une tentative de justification du malaise qui ronge le secteur, elle a expliqué que «ces méthodes ont été développées dans des pays de consommation qui ont des traditions dans la concurrence et dans l'économie libérale». Pour elle, en Algérie, «l'ouverture économique est encore naissante, et, par conséquent, les entreprises sont en train d'apprendre à se mouvoir dans cet environnement nouveau». Or, tout le monde sait, y compris la ministre de la Communication elle-même, que le pluralisme de la presse a précédé l'ouverture économique du pays au libéralisme et que de surcroît les revendications de la presse nationale sont en grande partie d'ordre politique et juridique. A moins que tous les prétextes soient bons pour différer indéfiniment dans le temps, l'instauration dans le pays d'une presse sans épée de Damoclès pesant constamment sur ses activités et sur son devenir.