Dans toutes les régions touchées par la violence, un net recul de l'électorat propre à la mouvance islamiste a été constaté. Les élections locales du 10 octobre sont venues confirmer une tendance déjà très apparente depuis la présidentielle de 99. Il s'agit du recul, extrêmement prononcé, de la mouvance dite islamiste. Si le mouvement Ennahda a littéralement cessé d'exister, le MSP de Mahfoud Nahnah n'est pratiquement plus que l'ombre de lui-même alors que le MRN de Abdallah Djaballah reste le seul parti tenant encore la dragée haute aux autres formations politiques, prouvant par là même que cette mouvance est la victime, toutes proportions gardées, de ses propres idées. Beaucoup d'éléments, en effet, concourent à expliquer ce recul qui, selon toute vraisemblance, ne peut qu'aller crescendo lors des prochaines consultations électorales. Il faut signaler au passage que les appels au boycott lancés par les supposés représentants de la tendance démocrate républicaine n'ont rien à voir là-dedans, bien au contraire, puisque ces appels répétés et pressants de ces personnes auraient plutôt dû servir les islamistes. Un regard détaillé sur les chiffres de ces dernières élections montrent que les islamistes, au contraire, ont vu leurs électeurs se rétrécir comme une peau de chagrin là où la violence terroriste a été la plus ressentie par les populations. Au niveau du tristement célèbre triangle de la mort, le MSP n'a recueilli que quelques milliers de voix. Ses responsables locaux n'osent même pas parler de fraude. Car, affirme-t-on, il n'y en a pas eu. Du moins, pas celle qui était, jadis, planifiée et orchestrée par l'administration au profit de tel ou tel autre parti. Le MSP, qui a déjà échappé à une grave crise à la suite de son net recul lors des législatives du mois de mai passé, aura sans doute à revoir de fond en comble sa stratégie s'il ne veut pas finir comme le mouvement Ennahda dont on n'entend même plus parler. Les militants s'accordent tous à dire qu'ils sont victimes d'un vote sanction. Comme celui qu'avait décrété le peuple algérien en 89 puis en 90. Deux raisons, somme toute contradictoires, expliquent ces nouvelles tendances électorales, comme nous l'indiquent des observateurs très au fait des réalités sociales et politiques composant ces régions durement éprouvées par le terrorisme islamiste. Une grande défiance semble s'être installée par rapport aux représentants de cette mouvance après ces longues années d'éprouvante insécurité. Les attentats du 11 septembre, est-il nécessaire de le rappeler, ont renversé la vapeur par rapport au terrorisme islamiste en particulier, et à l'islamisme international en général. Cette nouvelle tendance a beaucoup aidé à finir d'infléchir les mentalités en Algérie. Dans le même temps, les plus radicaux des citoyens, demeurés fidèles à l'application de la chariâ, ne pouvaient voter pour un parti comme le MSP dont le discours a dévié petit à petit pour s'inscrire presque en droite ligne de celui du pouvoir. L'affaiblissement de Mahfoud Nahnah, relayé par la montée en puissance de l'enfant terrible du MSP, Abderrezak Mokri, annonce, peut-être, de prochains changements à la tête de ce parti dont la survie va dépendre en grande partie. La montée en puissance du MRN, toute relative il faut le préciser, est, en effet, liée au discours demeuré assez radical du Abdallah Djaballah et de ses troupes. Ces données nouvelles, confirmées et accentuées de scrutin en scrutin, éloignent de l'Algérie le spectre de l'islamisme politique. Ce constat rend caducs les garde-fous mis en place à cet effet, à commencer par le mode de scrutin proportionnel. Des centaines d'APC, en effet, sont toujours bloquées à cause de cela. Aussi, serait-il peut-être temps de revenir à un mode de scrutin majoritaire à deux tours, seul moyen pouvant permettre l'expression de la véritable volonté populaire, et pouvant aussi laisser les coudées franches aux élus locaux au lieu de recourir à des alliances plus ou moins douteuses, et dont le résultat final est de bloquer le fonctionnement des APC au profit de la seule gestion des rapports de force et des susceptibilités des uns et des autres.