Enjeux pétroliers et autre «pertinence» du risque sécuritaire non solutionné constituent des facteurs de rupture avec la nouvelle donne de ce millénaire. Les USA, avec et après l'actuelle administration, se fixent deux objectifs prioritaires : la modernisation et le développement des capacités militaires américaines ainsi que l'acquisition de réserves pétrolières supplémentaires auprès de sources étrangères. L'Algérie est, vu ses richesses naturelles, une éventuelle proie. Quels sont les objectifs pétroliers des USA, de ce millénaire, et comment l'Amérique compte-t-elle les atteindre? Le rapport du National Energy Policy Development Group, publié le 17 mai 2001, du vice-président Dick Cheney, le détaille amplement. Objectif primordial: faire augmenter les réserves énergétiques américaines. Pourquoi? Le rapport explique que la dépendance américaine devrait passer de 52% en 2001 à 66% en 2020. La consommation américaine, qui augmentera, induira, de facto, une importation, dès 2020, de 60% de pétrole de plus qu'aujourd'hui, estimée à 6,3 millions de barils/jour. Le rédacteur du rapport considère que la plupart des pays, riches en ressources énergétiques, n'ont pas les capacités technologiques, lorsqu'une certaine volonté politique existe, d'augmenter, substantiellement, leur capacité de production et donc d'exportation. Les pays du Golfe avec l'Irak stockent une part dominante des réserves énergétiques mondiales. Le rapport «recommande» de «persuader» ces pays de «laisser les entreprises américaines mener cette modernisation». Dans ce cadre, l'autre mode retenu est lié au précédent. Dépendre pour les USA de cette région, même en cas de modernisation optimale de sa capacité de production, suppose, pour les Américains, une dépendance économique «dangereuse» à l'égard d'une région jugée, par définition, «potentiellement instable». Que faire? «La concentration de la production pétrolière dans une seule région du monde risque de contribuer à l'instabilité du marché». Conséquence: «La diversification des sources d'approvisionnement est de prime importance», note le rapport. De ce fait, les importations à partir du bassin de la mer Caspienne (l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan), de l'Afrique subsaharienne (Angola et Nigeria) et de l'Amérique latine (Colombie, Mexique et Venezuela) sont, pour Dick Cheney, à encourager. Or, dans toutes ces régions, il y a risque que les populations «reçoivent» mal une telle volonté «d'accaparer» leur richesse nationale, d'autant plus, à en revenir aux terminologies US, ces zones géographiques sont classées dans la catégorie de «pays potentiellement instables». De quelle manière les USA comptent-ils éliminer de tels risques «intérieurs»? Le Quadrennial Defense Review, du ministère de la Défense, publié en septembre 2001, indique la voie. Comment? Réponse du rapport: «Notre stratégie repose sur la capacité des forces américaines à projeter leur puissance dans le monde entier» et donc d'envahir d'autres territoires, d'autres pays...comme l'Irak. Plus, cette capacité militaire (dans tous ses volets, logistique notamment) a été, à ce titre, aisément démontré aussi bien en Afghanistan qu'en Irak. Et l'Algérie dans tout cela? Il est clair, qu'à ce stade, les risques existent, même si en apparence, ils restent modérés. Notre pays semble, à travers la réforme proposée par l'actuel ministre de l'Energie et néanmoins P-DG de Sonatrach, avoir fait le choix de ne pas froisser nos «amis» américains. Cette réforme, momentanément gelée, vise, grosso-modo, à augmenter, justement, «nos» capacités de production en captant, en amont, l'intérêt des grandes compagnies étrangères, notamment américaines. Attirer ces compagnies, seules, il est vrai, aptes sur le plan technologique à réaliser, paraît-il, à notre «profit», de telles prouesses, se traduira, par, entre autres, la réduction de la part de Sonatrach à, au plus, 30% sans qu'elle soit pour autant automatique; une concession des canalisations de transport d'une durée de 50 ans, des contrats de recherche et d'exploitation de 32 ans et celui de l'exploitation d'un gisement déjà découvert il y a 25 ans. Ces «incitations», entre autres, auront pour finalité, telle que suffisamment explicitée par les promoteurs de ce texte, d'augmenter nos capacités de production qui «demeurent faibles» et que «l'Algérie n'a pas le savoir-faire pour les augmenter». Quel rapport entre cette réforme est le rapport Cheney? Evident: les Américains, semblent, pour le cas Algérie, avoir réussi à nous faire admettre le bon sens US en matière d'exploitation de notre richesse, non pas pour un profit optimal pour notre économie (dès lors que nous n'avons aucune vision stratégique nationale à ce jour) mais, bien au contraire, pour que les USA puissent parer, sans risque «majeur», à leur besoin énergétique. Serions-nous pour autant confiants envers les Américains? C'est, malheureusement, loin d'être évident. D'abord, les USA changent de priorité, et donc de stratégie, au gré de leurs prévisions et simulations. Notre «largesse», sur la question énergétique, du moins en termes d'une volonté politique, peut, actuellement, devenir insuffisante, voire agaçante. Mieux encore, un pays qui n'arrive pas, depuis près de 40 ans, à régler «le problème» du Sahara occidental et depuis plus de 10 années sanglantes, à «régler» définitivement le «problème sécuritaire» et, enfin celui de la Kabylie dont le feu couve depuis deux ans, l'Algérie a de quoi craindre et craindre sérieusement.