L'ultime test sera certainement la marche prévue le 12 janvier prochain. Rappelons que l'ultimatum lancé par les ârchs aux pouvoirs publics vient d'expirer et la grève illimitée, comme prévue, a déjà pris effet. La Kabylie risque désormais d'être, encore une fois, bloquée, isolée et paralysée: les ârchs comptent fermer «toutes les institutions publiques» et «bloquer les routes», pour exiger la libération de leurs délégués, en prison depuis le 13 octobre. Reste néanmoins à savoir si le mot d'ordre de grève générale décrétée par les ârchs aura réellement l'adhésion citoyenne escomptée. Car si, à ce jour, les actions sporadiques ont fonctionné à l'instar des grèves d'une journée souvent suivies par des commerçants déjà à «plat», qu'en sera-t-il d'un mouvement de longue haleine? Ainsi, deux scénarios se présentent pour le mouvement citoyen: soit la contestation s'inscrira de plus belle dans une longue durée, soit elle s'essoufflera fatalement sur un parcours à l'horizon infini. C'est dire le virage critique que négocie le mouvement citoyen à un moment décisif de son histoire. De fait, entre le 4 et le 12 janvier le manège de la violence sporadique sera quasiment quotidien. Mais au-delà du 12 janvier, ce sera le grand saut des ârchs dans l'inconnu, puisque projeter de suspendre indéfiniment l'activité politique, économique et sociale de toute une région n'est pas une mince affaire, loin s'en faut. D'autant plus que la donne du FFS, frère ennemi des ârchs, s'ajoute à la difficulté de l'équation inextricable qui sévit en Kabylie, surtout que le pouvoir ne se contente plus de rester en observateur face au malaise qui ébranle la région depuis plus de deux ans. Un pouvoir qui privilégie l'option du travail souterrain après l'expérience des «ârchs taiwan», tirant les leçons des déboires générés à chaque fois qu'il a tenté d'adopter une démarche officielle ou transparente avec le mouvement contestataire, qui n'a pas manqué d'accuser les autorités d'engager un pseudodialogue avec lui; une diversion qui fut entreprise juste après la marche du 14 juin 2001. Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui est que la situation est inédite en Kabylie. Le pouvoir parviendra-t-il à instaurer le dialogue avec le mouvement citoyen pour une sortie de crise? La question demeure d'actualité. Bien entendu le dessein des ârchs est de faire mal en s'attaquant aux points névralgiques de l'économie nationale, implantés en Kabylie. Surtout que cette dernière est encore aux abois faute d'un déploiement du plan de relance économique qui lui est consenti par le Président de la République. Cependant, le mouvement citoyen aura-t-il le souffle nécessaire pour faire aboutir les revendications citoyennes dont certaines ont été largement satisfaites par le pouvoir? Car les signes d'essoufflement se font quand même sentir dans la constellation des ârchs. Sinon comment s'expliquer les missives des épouses aux détenus des ârchs dans lesquelles elles les implorent de cesser leur grève de la faim suicidaire et les appellent à plus de raison, craignant pour leur santé éprouvée par plus d'un mois de grève. Par ailleurs, nombreux sont les observateurs de la scène kabyle qui tablent sur un affaiblissement du mouvement citoyen du fait de son enrôlement dans une certaine monotonie de l'action et ce, faute d'une consultation préalable de la base. Ajoutons que même dans les manifestations de rue l'on a de plus en plus de mal à faire face aux boucliers des forces de l'ordre. Quoi qu'il en soit et en dépit des tractations entreprises en coulisses, le mouvement citoyen semble privilégier le langage de la rue à l'orée de cette nouvelle année qui, pourtant, charrie de formidables enjeux.