des pères ou des mères de famille, une ordonnance à la main, demandent de l'aide devant des pharmacies pour acheter des médicaments à leurs enfants malades. Lorsque le prix du sachet de lait a été multiplié par 25 et celui du pain par dix, sans parler du sucre, de l'huile et des autres denrées de première nécessité, le niveau de vie de la classe moyenne a été laminé alors que les couches déshéritées ont été plongées, du jour au lendemain, dans un drame sans fin. On vit, pour la première fois en Algérie, des pères ou des mères de famille, une ordonnance à la main, demander de l'aide devant des pharmacies pour acheter des médicaments à leurs enfants malades. La descente aux enfers avait commencé sous le gouvernement réformateur de Mouloud Hamrouche, dont le ministre des Finances, Ghazi Hidouci, estimait que trop d'argent dormait dans les bas de laine, donnant à l'Algérien un pouvoir d'achat énorme et réduisant à néant tous les efforts de l'Etat pour approvisionner correctement le marché. Les pénuries à répétition qui touchaient de façon cyclique tous les produits, dans un spectre qui allait du détergent aux pièces détachées en passant par l'oignon ou la pomme de terre, semblaient lui donner raison et justifiaient à l'avance toute décision de dévaluation du dinar. C'est vrai que la valeur du dinar, gonflé à bloc par un ego national ultrasensible, méritait quelques aménagements pour réfréner un peu le goût immodéré de l'Algérien pour la consommation tous azimuts et sa frénésie de voyages que rien n'arrivait à brider. Tenez-vous bien : le dinar battait des devises étrangères bien cotées, comme le franc, alors qu'au marché de change parallèle c'est le contraire qui se passait. Sa parité était donc artificielle et il était sans doute normal que quelques aménagements soient opérés à l'effet de remettre les pendules à l'heure. Mais la dévaluation fut brutale et importante, mettant sur la paille de nombreux investisseurs, dont beaucoup mirent la clé sous le paillasson, à cause de ce qu'on a appelé la perte de change, mais en fait ce sont toutes les couches de la population qui ont souffert de cette politique monétariste à outrance, inaugurée par Ghazi Hidouci, mais poursuivie avec la même rigueur et la même logique de métronome par les gouvernements successifs. Cette politique de dévaluation s'est étalée sur près d'une décennie, équivalant à un vrai jeu de massacre, et a accompagné tout ce qui a été fait de négatif : les rééchelonnements, les ajustements structurels, les compressions de personnels, le filet social. Alors faut-il réévaluer le dinar? Le débat est remis sur le tapis par les opérateurs économiques à l'occasion des négociations pour l'accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce. Ils disent quoi ces opérateurs? Ils s'appuient sur le fait que les coffres de l'Etat sont pleins de réserves de change, que les indicateurs macroéconomiques sont au vert et que le prix du baril est à un niveau appréciable tournant aujourd'hui autour de 24 dollars alors que la loi de finances a été établie sur la base du baril à 19 dollars. Cela laisse donc une marge non négligeable, les surplus budgétaires étant pris en charge par le fameux fonds de compensation. Il n'en faut pas plus pour que des voix s'élèvent parmi les chefs d'entreprise, pour demander une réévaluation de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères, essentiellement le dollar et l'euro. Quels sont les arguments développés? Ils partent du fait qu'une monnaie faible encourage les importations et constitue un ralentisseur aux exportations, affirmant que de toute façon, mis à part les hydrocarbures, l'Algérie n'a pas grand-chose à exporter. Un dinar fort permettrait d'acheter à l'étranger plus de biens et de services, ces opérateurs espèrent donc donner un coup de pouce à la production nationale, le processus d'investissements étant dopé par la possibilité d'acquérir les équipements et les inputs indispensables à la machine industrielle et à l'activité économique. Le deuxième argument est que l'opération de réévaluation encouragera la consommation des ménages. Par effet d'entraînement, les prix baisseraient et le pouvoir d'achat de l'Algérien augmenterait d'autant. C'est le tissu industriel national qui engrangerait les dividendes. Le débat ne fait que commencer, et pour ne pas rééditer un marché de dupes, il serait bien que des décisions hâtives ne soient pas prises sans la consultation des experts.