Rien ne peut remplacer la liberté d´expression: elle est le thermomètre, le baromètre et le garant de la démocratie. Ceux qui gouvernent ne sont pas à l´abri de la critique, car, comme disait Beaumarchais: «Sans la liberté de blâmer, il n´y a point d´éloge flatteur». Le blâme peut s´exprimer de différentes manières: la critique rigoureuse scientifique à coups d´arguments d´école ou par la satire. C´est cette dernière qui a notre préférence. Dans les pays où on ne risque pas de tomber pour une lettre placée à la fin d´un mot anodin sous le coup d´atteinte à une personne privée, la satire s´exerce sur toutes les personnes en vue de la société, sur toutes les classes et surtout sur toutes les personnalités politiques. Les premières satires étaient des pièces de théâtre, des farces où l´on se moquait des travers de l´avare, du vieillard amoureux, du cocu, du naïf, de l´ambition démesurée... Elle dura longtemps, agrémentée quelquefois de pamphlets placardés sur les murs des villes par des mains anonymes et toujours bien intentionnées. La meilleure forme de la satire est la caricature : dessin qui «croque» un personnage en grossissant ses caractéristiques physiques pour en faire ressortir les travers moraux. Les chansonniers, eux, en adaptant des succès populaires, stigmatisèrent sur les ou des radios les leaders politiques. La vogue dura longtemps. A l´arrivée de la télévision, les chansonniers furent remplacés par des imitateurs de talent qui, grâce à leurs dons de mimétisme et aux textes humoristiques d´auteurs reconnus, défoncèrent toutes les barrières et brisèrent tous les tabous. Sous forme de marionnettes habilement manipulées, les amateurs se moquèrent férocement des hommes politiques français dans le «Bébête Show» dirigé par Jean Roucas. On peut tout faire passer par l´Humour. Mais la palme revient sans aucun doute aux Guignols de l´Info qui se moquent férocement, tous les jours, sur tous les modes, et en premier lieu du Journal télévisé, de tous les acteurs de la vie politique et sociale : Mitterrand, Chirac, Jospin, leurs épouses, Jean-Paul II, Bush, Ben Laden. Personne n´est épargné par leurs railleries et le trait est toujours juste : un Jean-Paul II au bout de ses forces qui s´accroche péniblement à sa crosse, un Dr Sylvestre (qui ressemble comme un frère à Sylvester Stallone qui incarne le faucon du Pentagone, le rapace de Wall-Street...le GI qui crapahute à travers le monde...Même la vie privée de ces personnes n´est pas épargnée: on entre souvent dans le ménage des Chirac. Le sommet de la maîtrise est atteint quand les Guignols ont suggéré la complicité réelle entre la Maison-Blanche et les divers groupes intégristes qui animent et agitent le monde: c´est le Dr Sylvestre en plusieurs exemplaires qui prend les costumes du rabbin, du cardinal, du mollah, de Ben Laden, du pasteur et du soldat américain qui se partagent les tâches dans le monde avec le décor un Jean-Paul II (Paulo pour les intimes) assoupi sur sa canne quand le nom de Dieu est prononcé par erreur, par lapsus par un de ces avatars; on lui dit gentiment «arrête de dé...». Bref un succès. En attendant le siècle où l´ENTV pourra mettre au point ses Guignols, contentons-nous de les suivre, grandeur nature, sur le théâtre de la campagne électorale.