La tradition arabo-islamique, tendance sunnite, a toujours proscrit la reproduction d´images humaines afin que les fidèles ne versent pas dans l´adoration des idoles comme certains courants chrétiens. C´est pour cela qu´il est rare de rencontrer dans les capitales arabes les statues ou les portraits des grands hommes qui ont illustré de leurs hauts faits ou de leurs grandes oeuvres cette prestigieuse civilisation qui a brillé sur le monde et qui a transmis à l´Occident l´héritage antique. C´est un fâcheux handicap pour les amoureux de l´art ou pour les touristes qui n´ont pas le temps ou le goût de consulter un rébarbatif livre d´histoire pour s´imprégner du passé du pays qu´ils visitent. Il suffit de visiter une capitale occidentale pour qu´aussitôt, vous assaille un nombre impressionnant de statues érigées à la mémoire des hommes qui ont contribué d´une manière ou d´une autre à la riche histoire de ce pays. Dans Paris, vous êtes interpellé à chaque coin de rue, au centre d´un parc ou d´une place par une statue érigée à la mémoire d´un souverain, d´un héros ou d´une héroïne, d´un poète ou d´un homme de lettres surpris dans la posture dans laquelle l´a immortalisé l´imagination populaire qui en a fait un mythe. Evidemment certains grands hommes n´ont pas droit à cet hommage posthume de la nation. C´est ce qu´a reproché un journaliste soviétique, dans un polémique article paru dans un hebdomadaire, reprochant aux différents pouvoirs leur sectarisme et la haine séculaire qu´ils vouent encore à Robespierre à qui aucun nom de rue ou de place n´a été donné à Paris, alors que Thiers le grand boucher des travailleurs de la commune, a eu droit à une ville toute entière. L´Algérie peut s´enorgueillir d´avoir cassé les tabous en érigeant, sur la place Bugeaud, une statue équestre de son éternel adversaire : l´émir Abdelkader. Le village de Djemaâ-Saharidj a rendu un vibrant hommage à l´enfant du pays qu´était Aïssat Idir, fondateur de l´UGTA. Ce monument qui domine le village sur l´emplacement du foyer rural incendié en 1955 par les patriotes, a été inauguré par... Sidi-Saïd. La Kabylie entière a immortalisé Mouloud Mammeri en lui consacrant l´image du chercheur qui scrute l´horizon à la découverte des vérités humaines. Espérons que cette tradition noble qui consiste à élever des monuments aux grands morts sera perpétuée dans toutes les régions et les secteurs de la vie quotidienne de notre pays. Ainsi, peut-être aurons-nous, dans toutes les maisons de la presse, une statue à la mémoire de la Liberté.