La crise du FLN ou le fossé entre «légitimistes» et «redresseurs» n´en finit pas de se creuser, est avant tout une crise de régime. En fait, le système qui gouverne l´Algérie depuis l´indépendance s´essouffle et montre ses limites, étalant au grand jour son incapacité à se renouveler et à se régénérer. Cette régénération du système, voire sa refondation, s´est heurtée au conservatisme rentier induisant un immobilisme qui se traduit aujourd´hui par la crise aiguë que traverse le FLN. Un FLN, courroie de transmission du système et pépinière des hommes de pouvoir qui dirigent ou ont dirigé le pays depuis 1962. Aussi, il serait vain de vouloir comprendre la crise qui secoue le vieux parti nationaliste sans la replacer dans le contexte de la lutte d´apparatchiks pour la conservation du pouvoir au carrefour duquel se trouve le FLN, longtemps simple appareil de propagande, nonobstant le rôle dirigeant consacré par les Constitutions de 1963 (article 23) et de 1976 (article 94) sans qu´il ait eu réellement prise sur la vie politique du pays. Aussi, la crise du FLN est davantage la crise du système lequel n´a pas eu un véritable projet et une vision à long terme pour l´Algérie, car la nomenklatura du régime s´est plus souciée de conforter sa position que de réellement construire des institutions capables de survivre aux hommes. En fait, le dilemme du Front de libération nationale est que le parti a été mis en suspension d´animation, c´est-à-dire qu´il a été vidé de sa substance pour ne garder qu´un sigle porteur cher au coeur des Algériens. N´étant plus un parti combattant, le FLN n´a pas pour autant réussi à devenir un parti politique apte à conduire le pays vers le développement et le progrès. Ce qui fait que le FLN post-indépendance n´a pas su, ni pu, sans doute voulu, se remettre en question. Et pour cause! En effet, converti en «appareil» de propagande sous la présidence d´Ahmed Ben Bella, quasiment mis sous l´éteignoir par le Conseil de la Révolution (CNR, issu du coup d´Etat du 19 juin 1965), le FLN ne retrouve quelques prérogatives qu´avec le retour à la constitutionalité en 1976 et singulièrement sous la présidence de Chadli Bendjeddid, qui le remet dans le circuit politique, période durant laquelle il va devenir une «machine électorale». Jusqu´au début des années 90, et l´avènement du multipartisme, le FLN n´a donc pas joué son rôle de parti dirigeant, se limitant à fournir les hommes, (cf. l´article 120 des statuts du FLN interdisait l´accès aux postes de responsabilité aux non-adhérents au parti), et était écarté de la gestion des affaires, quoique le gouvernement dirigeait alors le pays au nom du FLN. Avec l´expérience de ses hommes, dont nombre d´entre eux sont réellement compétents, le FLN se devait, avec l´avènement du pluralisme politique, de se restructurer en parti politique au plein sens du terme. Or, il n´en a rien été et les dirigeants et hommes politiques du FLN - plusieurs d´entre ces derniers ont d´ailleurs quitté le Front pour créer leurs propres partis dans lesquels ils ont reconduit le même schéma qui a fait du FLN un simple appareil - n´ont pas su, ou pu, s´élever au niveau des défis qui les interpellaient. En vérité, le FLN tel qu´il existe a souffert de l´absence d´une stratégie et d´une vision politique pour le parti d´une part, d´un projet de société pour l´Algérie, d´autre part. Dès lors, le Front en est resté de fait au niveau de l´appareil politique fournisseur des hommes qui servent un système fermé et géré en vase clos. Dans la lutte sourde qui oppose les «redresseurs» du FLN aux hommes issus du 8e congrès, (dont les résolutions ont été annulées par la justice), les premiers nommés n´avaient de cesse de rétablir le vieux parti dans le rôle qui a toujours été le sien: un tremplin pour accéder aux hautes fonctions de l´Etat et au partage de la rente, alors même que la tendance Ali Benflis a cherché à couper le cordon ombilical avec la pratique de la cooptation - laquelle a gangrené les moeurs politiques tout en favorisant, par ailleurs, la corruption sous toutes ses formes - pour faire du FLN un parti capable d´avoir une stratégie politique et un projet pour l´Algérie et, sans doute aussi, être une alternative pour la jeune génération, la seule apte à relever aujourd´hui les défis de la construction et du développement du pays, renouvelant ainsi ce qu´a fait hier son aînée dans le combat pour la libération. L´échec de l´équipe Benflis est avant tout celui de n´avoir pas réussi à faire comprendre la nécessité pour le vieux parti de se transformer et de se régénérer, voire de prendre quelque distance avec la responsabilité directe, pour redonner aux militants le goût de la lutte politique, expression fondamentale des libertés de dire et d´opinion. La crise enfin, et ce n´est pas peu de le souligner, est induite par le fait que la génération sexagénaire et septuagénaire d´après la guerre de libération n´a pas su, sans doute voulu, passer le témoin à la génération post-indépendance, aujourd´hui la plus qualifiée pour prendre la relève. En cela, plus qu´une erreur, le FLN aura surtout commis une faute politique.