L´idée qu´on se fait du nomade est celle d´Attila le roi des Huns : là où il passe, l´herbe ne repousse pas. Allant à contre-courant de cette idée reçue, Jacques Attali, l´ancien conseiller de François Mitterrand, affirme lui que c´est en tant que nomade que l´homme a inventé les éléments clefs de la civilisation: le feu, les langues, les religions, l´agriculture, l´élevage, la métallurgie, la navigation, la roue, le marché, la musique, les arts, et l´équitation, grâce au cheval, cette plus belle conquête de l´homme. Jacques Attali ajoute que le sédentaire peut s´enorgueillir d´avoir inventé les forteresses, l´Etat et les impôts, et...les appareils répressifs et idéologiques d´Etat, par voie de conséquence. Ce sont un peu des choses et d´autres dont a parlé hier sur LCI l´écrivain Jacques Attali, en présentant son dernier livre et en répondant aux questions des journalistes de la chaîne d´information continue de TF1. Il a été question de la mondialisation, du terrorisme, de l´intégrisme, de la démocratie... Ainsi, note-t-il, dans certains cas, c´est la liberté économique qui entraîne la liberté politique, et il cite les cas de l´Espagne franquiste et du Chili de Pinochet. Pour ce qui est de la Russie post-soviétique, c´est l´explosion: la liberté politique retrouvée mène à la liberté économique, quoique dans le chaos. Quant à la Chine, les choses se passent différemment et elles sont pour l´heure mieux maîtrisées : la voie empruntée est originale. La démocratie a commencé au niveau local, où malgré l´existence du parti unique, les maires sont choisis, nous dit Jacques Attali d´une manière très démocratique, et ils disposent d´un réel pouvoir. Le cas algérien, bien entendu, pourrait-on dire, est plus proche de l´exemple soviétique: la faillite des banques privées est une illustration parfaite des similitudes entre les deux systèmes algérien et soviétique. Bien entendu, les journalistes de LCI ne se sont pas privés de poser une question sur la possibilité de la démocratie dans les pays musulmans. Je n´en doute pas un instant, a répondu Jacques Attali. Qu´on se rappelle, dit-il les régimes occidentaux d´il y a deux siècles : des monarchies despotiques, la privation des libertés...Et d´ajouter: «On se trompe toujours sur un point : la Renaissance n´est pas venue de l´Italie, mais de l´Espagne musulmane». L´ancien conseiller de François Mitterrand affirme qu´il est en train d´écrire un livre sur Cordoue au XIIe siècle, et ses investigations l´ont mené à cette conclusion. Il y a quelque temps, dans une interview, Jacques Attali refusait de voir dans les attentats du 11 septembre le produit d´une lutte entre l´Islam et l´Occident, affirmant que les attentats étaient prévus et annoncés par plusieurs signes avant-coureurs. D´aucuns, disait-il, affirmaient que l´ennemi n´étaient plus l´Union soviétique, mais le terrorisme nomade. Ces événements ne doivent en aucune façon être compris comme marquant le début d´une guerre entre l´Occident et l´Islam. Il convient de préciser que les mouvements incriminés dans ces attentats sont des mouvements nihilistes, incarnant une minorité non représentative de l´Islam et portés par un mouvement dans lequel la misère joue certainement un rôle considérable. «Lutter contre la pauvreté permettrait certainement à l´Occident de lutter contre la violence». Bien entendu, la plupart des musulmans et des dirigeants musulmans ont condamné ces attentats. Ainsi, donc, à tous ceux qui se demandent si l´Islam et la démocratie sont aux antipodes l´un de l´autre, et si le premier est soluble dans le second, Jacques Attali n´hésite pas à fournir des réponses qui invitent à la réflexion. P.S : Ne pas confondre Jacques Attali avec Jacques Attila... roi des Huns.