Peut-on démocratiser les peuples contre leur gré ou leur imposer la paix de l´extérieur? Mais est-ce là la vraie question et ne faut-il pas plutôt se demander quelle démocratie et quelle paix veut-on aujourd´hui pour les pays de l´hémisphère sud en général, le monde arabe particulièrement ? Et lorsqu´on sait que les régions arabes et musulmanes regorgent de richesses énergétiques - vitales pour les Etats-Unis - ceci peut expliquer cela. Certes l´odeur du pétrole est omniprésente dans les stratégies américaines, mais est-ce suffisant, l´explication n´est-elle pas un peu courte alors même que les stratèges américains vont au-delà d´une «démocratisation», du monde arabe, un prétexte qui prépare en fait le monde à une direction américaine pour au moins les 100 prochaines années? En fait, bien avant leur arrivée au pouvoir, les néoconservateurs, accompagnés par les intégristes chrétiens (voir la nouvelle religiosité de M.Bush) et les militaristes américains ont planché sur le nouvel imperium que l´administration Bush était chargée de matérialiser. Aussi, les programmes destinés officiellement à sécuriser les Etats-Unis ont-ils pour objectif premier de conforter l´hégémonie de la superpuissance mondiale sur le monde. De fait, «l´Axe du Mal» de George W.Bush passe sans surprise par le monde arabe. Or, un document intitulé la «Stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis» (National Security Strategy of the United States) publié en octobre 2002, un an après les attentats anti-américains à New York, remet en cause l´ordre international actuel. Curieusement, ce texte a eu peu d´écho alors qu´il promettait une refondation des relations internationales basées sur les traités de paix européens des XVIIe et XXe siècles, notamment le traité de Westphalie (1638 qui mit fin à la guerre européenne de 30 ans) celui de Versailles de 1918, après la Première Guerre mondiale, l´accord de Yalta de 1945 et singulièrement la Charte des Nations unies de 1945, qui établissaient une légitimité internationale autour des puissances impériales et coloniales européennes. C´est cette légitimité internationale, à laquelle s´attaque l´administration Bush depuis trois ans et notamment depuis l´invasion de l´Irak en mars 2003, Washington ignorant l´opposition de la communauté internationale et des Nations unies qui estimaient une guerre en Irak injustifiée. Depuis, l´unilatéralisme a été l´une des constantes de la politique étrangère américaine qui ne tient compte ni des avis de ses alliés ni de ceux de la communauté internationale. Aussi, ce sont de nouvelles valeurs, les valeurs américaines, que les néoconservateurs de l´administration Bush tendent maintenant à imposer au monde. Ce qui n´est pas nouveau, le président démocrate Woodrow Wilson (1913-1921) avait déjà développé au début du XXe siècle ce que l´on appelle la «doctrine Wilson», selon laquelle les valeurs nationales américaines s´identifient aux valeurs universelles de progressisme et de libéralisme estimant que l´Amérique, «investie d´une mission exceptionnelle, devait conduire l´humanité vers l´ordre international de demain». Bush reprend à son compte cette vision impériale du rôle des Etats-Unis. Ce que les puissances européennes ont vite compris et Paris, Moscou et Berlin qui se sont fermement opposés aux plans américains sur l´Irak défendaient en fait leur propre devenir en tant que puissances internationales. Méprisant et marginalisant l´ONU, regardant de haut ses alliés et les grandes puissances d´hier, écrasant de son arrogance les pays de l´hémisphère sud, les Etats-Unis ont maintenu, vaille que vaille, le cap consistant à remodeler les rapports internationaux à leur seul profit. En fait, les desseins américains étaient transparents et Washington appliqua à son niveau - en s´appuyant sur leur énorme puissance militaire, financière et économique - la politique qui a si bien réussi à ses devancières européennes, pour imposer au monde son hégémonie ou, mieux, la légitimité américaine, comme ont pu le faire au XIXe siècle les superpuissances européennes qui se sont partagées l´Afrique, (cf, la conférence internationale de Berlin de 1881 qui partagea le continent noir entre la France, la Grande-Bretagne, l´Allemagne, l´Espagne, l´Italie et le Portugal) s´imposant au monde sous le couvert d´une «légitimité internationale» pensée et structurée par les seules puissances de l´époque, celles de l´Europe. Aujourd´hui, en ce début de troisième millénaire il y a une seule grande puissance, les Etats-Unis, qui, à l´instar de l´Europe du XIXe siècle, applique la loi du plus fort. Aussi, les stratèges qui ont conçu le document cité plus haut, n´inventent rien, ne s´embarrassent guère de compromis, et jouent cartes sur table estimant que, par sa position de puissance mondiale hégémonique, le pouvoir mondial doit revenir aux Etats-Unis, appelés alors à conduire le monde. Bush met ainsi en pratique la doctrine Wilson. Depuis l´intervention américaine en Irak, les Etats-Unis ont peaufiné leur stratégie de domination du monde, incluant, selon le document cité en référence, le fait que, «si le gouvernement américain décide unilatéralement qu´un Etat représente une menace future pour les Etats-Unis», ceux-ci «interviendront préventivement pour éliminer la menace», si nécessaire en procédant à un «changement de régime». Cela a été illustré par le cas de l´Irak qui a inauguré la nouvelle politique américaine de domination du Moyen-Orient...Pour commencer. Dorénavant la légalité qui prime c´est la «légalité» américaine qui tend à se substituer à la légalité internationale, «légalité américaine» qui permet à Washington de sanctionner la Syrie et d´absoudre Israël lancé dans le génocide du peuple palestinien.