«L´ennemi n´a pas bien regardé Ben M´hidi», écrivait El Moudjahid du 20 août 1957. De fait, Larbi Ben M´hidi est l´une des figures les plus sympathiques de la révolution, l´un des rares à avoir su marier la théorie et l´action. Tout dans sa vie, ses écrits, sa pratique est exemplaire. Les lignes saillantes de son parcours militant reflètent ces qualités. Au lieu d´adhérer au Parti du peuple algérien (PPA), cet enfant né en 1923 dans la région d´Aïn M´lila (région de Constantine) et qui fut l´un des rares de sa génération à avoir effectué des études secondaires, préféra faire ses premières classes dans le mouvement des Amis du manifeste et des libertés (Udma) fondé par Ferhat Abbas, parti des couches moyennes et des élites urbaines. Ce jeune homme fougueux, fut en outre attiré par le théâtre politique et sera, plus tard, l´un des animateurs du journal El Moudjahid. Maturité, curiosité, esprit de synthèse, sens du dévouement, telles sont entre autres les qualités de ce militant hors pair, qui s´engagea corps et âme au service de la révolution. A l´âge de 22 ans, en 1945, il a déjà choisi sa voie: il sera aux côtés des manifestants, à ce titre, il sera arrêté et incarcéré à la prison de Constantine. Après sa libération, il approfondira son parcours militant en adhérant au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (Mtld). Il quitta Constantine pour sillonner le pays, voyageant entre Oran et Alger, toujours au service du mouvement national et du combat pour la démocratie, jouant un rôle de coordination entre différentes régions du pays et participant activement aux préparatifs de la lutte armée. Il était entre autres l´un des membres les plus dynamiques, en tant qu´assistant de Mohamed Boudiaf, de l´organisation spéciale dès sa fondation en 1947 par Mohamed Belouizdad. Après le démantèlement de cette structure pyramidale par la police coloniale en 1950 et l´arrestation de plusieurs militants, Larbi Ben M´hidi réussit à échapper aux mailles du filet, mais fut condamné par contumace à dix ans de prison. Cette condamnation l´oblige à s´habituer aux conditions de la lutte clandestine, changeant à chaque fois de lieu et d´identité, au point d´être surnommé l´homme aux vingt visages. Sa soif de liberté et son sens inné de l´organisation l´amènent tout naturellement à faire partie du noyau dur qui en mars 1954 crée le Comité révolutionnaire pour l´unité et l´action (Crua), qui donnera naissance au FLN. Il participera ainsi aux phases les plus importantes qui sont le prélude à la révolution de novembre. Membre des 22, qui tiennent un congrès au Clos Salambier en juin 1962, élu membre du groupe des six et du groupe des neuf (Boudiaf, Ben Boulaïd, Didouche, Bitat, Krim Belkacem, Ben Bella, Aït Ahmed, Khider), il est désigné à la tête de la wilaya 5 (Oranie). Et c´est dans le feu de l´action, après le déclenchement de la révolution, qu´il révélera ses qualités d´organisateur et de théoricien. Face à la répression féroce exercée par l´armée coloniale, les structures mises en place à la veille du 1er Novembre sont quelque peu dépassées par les événements. Il prend conscience du manque de clarté et de stratégie dans la ligne du FLN. Il s´attelle alors avec Abane Ramdane et d´autres chefs du FLN à la préparation d´un congrès et à la rédaction d´une plate-forme qui portera le nom de la charte de la Soummam, portant à la fois sur le programme politique durant la lutte armée et après l´indépendance et un organigramme des structures de la révolution, définissant le futur Etat algérien comme une république sociale et démocratique et non pas théocratique. Ses petites phrases ou ses répliques à son tortionnaire Bigeard, resteront comme des références de la révolution et sont l´indice d´un esprit clair et d´un génie précocement ravi à sa patrie. Celui qui avait dit :«Mettez la révolution dans la rue et vous la verrez reprise et portée par douze millions d´Algériens», avait aussi répliqué à Bigeart: «Donnez-nous vos avions, et on vous donnera nos couffins.»