Le rêve américain, pour des millions de personnes de la planète, qui vivent dans les cinq continents, est ce qui peut se concevoir de mieux, et qui se fait effectivement de mieux. Lorsque les GI´s débarquent, on s´attend en retour à une pluie de dollars et à la libération des énergies créatrices. Cela a été le cas par exemple en Europe, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les pays du vieux continent, de l´Ouest, étaient à genoux, laminés par six années de guerre, soixante millions de morts, et la destruction des infrastructures économiques. Le plan Marshall leur a donné les moyens de reconstruire leur économie et de repartir sur de nouvelles bases, se payant le luxe des trente glorieuses qui ont sorti leur pays de la mouise. Pendant ce temps, les pays de l´Europe centrale, tombés sous le joug stalinien, n´ont pas eu la même chance. Globalement, beaucoup de pays qui étaient dans la zone d´influence US, que ce soient la Corée du Sud, Taïwan, Hawaï (devenu le cinquantième Etat) ou d´autres dragons asiatiques, ont pu bénéficier des dividendes permis par le dynamisme américain. Alors que le colonialisme, vieux jeu pratiqué par les puissances occidentales du 19e siècle, visait à exploiter les richesses des pays du Sud pour faire leur accumulation capitaliste, les Américains au contraire arrivent avec leurs dollars, leurs chewing-gums, leurs jeans, leur savoir-faire, leurs multinationales, leur coca-cola et Disney land. Comme on dit chez nous: «ils mangent et ils font manger». Koul ou Wakel. En effet, l´Amérique, au sens léniniste du terme, c´est le stade suprême du capitalisme, sa quintessence, son nectar, son expression la plus dynamique, la plus efficace. Et pourtant, avec les peuples arabes, les Etats-Unis n´ont pas su établir des rapports de confiance, jeter des passerelles, instaurer des canaux de communication. Est-ce parce que les relations ont une odeur de pétrole, et sont par conséquent biaisées? Tout au long des trois décennies qui ont suivi les indépendances, (soixante, soixante-dix, quatre-vingts), et dans le cadre de la guerre froide qui divisait le monde en deux blocs antagoniques, on distinguait deux groupes de pays dans le monde arabe. Sous le parapluie soviétique, il y avait les pays à régime militaire (Syrie, Yémen, Algérie, Libye, Irak) et sous le parapluie américain (Otan), on trouvait les monarchies, du Golfe à l´Atlantique. L´Egypte nassériste, qui professait le panarabisme, prônait un antiaméricanisme de bon aloi. Elle changea d´orientation et se rapprocha de Washington après les accords de Camp David. Depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, la planète est entrée dans un monde unipolaire dans lequel le rêve américain est plus vivace que jamais, malgré les manifestations des altermondialistes. Et pourtant, vis-à-vis du monde arabe et musulman, les séismes produits par les deux guerres du Golfe, entre lesquels sont venus s´intercaler les attentats du 11 septembre, n´ont pas fini d´amortir, voire plutôt d´amplifier leur onde de choc. A la promesse d´un monde meilleur, plus libre, plus démocratique, plus prospère, contenu dans le projet GMO, vient répondre la froide image d´une réalité plus amère. Alors, il suffit d´une étincelle pour réveiller les inimitiés et allumer la mèche : un Coran qu´on profane, les photos de Saddam Hussein en slip à la Une d´un magazine, tout est prétexte à méfiance. Et pourtant, les gens voient bien que Zerkaoui tue surtout les Irakiens, innocents la plupart du temps. Ils voient bien que les élections ont porté au pouvoir une équipe plus légitime chargée de préparer une nouvelle Constitution. Le mal est-il déjà fait?