Quelle menace extérieure pourrait peser sur l´Alliance dite stratégique dans le double contexte où le verrouillage mesuré du champ politique a endigué l´influence de l´opposition et où les partis de l´opposition préfèrent investir inefficacement dans les actions isolées en dédaignant les actions concertées? En absence d´adversaire potentiel, l´Alliance ne peut plus éternellement se placer en posture de solidarité défensive ou offensive et, fatalement, se produisent des séismes internes de faible intensité qui tendent à déplacer les lignes d´équilibre, et le centre de gravité du pouvoir. Cela ne sera pas suffisant pour provoquer l´implosion de l´alliance car celle-ci ne s´est pas constituée réellement sur la base d´affinités idéologiques, loin s´en faut d´ailleurs. Mais cela n´exclut pas les luttes internes autour de l´augmentation des marges de manoeuvre de chacun, et là, il s´agit d´une bataille sans pitié menée par procuration par les députés au nom de leurs secrétaires généraux, lesquels ne peuvent descendre dans l´arène sans risquer de signer l´acte de décès de l´alliance. Les troupes peuvent se combattre. Tout leur saoul, les chefs se réservent pour leur réconciliation. C´est cette donnée qui structure la vie au sein de l´alliance. Citons-en au moins trois exemples. Sur la question de la dissolution des assemblées élues en Kabylie, le FLN avait commencé par le signal de retrait de sa couverture partisane, non pas au chef du gouvernement, mais au SG du RND, et il a voulu apparaître ensuite comme contraint par la solidarité en acceptant les implications de la décision de dissolution. Idem pour les chiffres annoncés par le chef du gouvernement qui perd sa casquette en ces circonstances particulières pour se voir revêtir par le FLN celle du RND. Disciplines islamiques retirées de l´épreuve du Bac. L´opportunité est belle pour le MSP de rappeler sa racine islamiste et de rappeler que le ministre de l´Education, issu du RND, engage le chef du RND. Le MSP n´oubliera pas d´en faire un thème de campagne contre le RND. Le RND se retrouve ainsi entre l´enclume MSP et le marteau FLN. Le FLN, revenu de son drame, considère que le poste de chef du gouvernement lui revient de droit et qu´il avait subi une sorte de coup d´Etat en le perdant. Il a besoin de ce poste pour renforcer sa cohésion car il ne conserve son unité que quand il possède le pouvoir. Par contre, en vertu du système d´alternance au pouvoir au sein de l´alliance, le MSP estime que son tour doit venir de placer un de ses militants à la tête du gouvernement, lui qui a apporté sa caution islamiste. Il n´a fait que faire sienne une ancienne recommandation (ou fetwa) de Rachid Ghannouchi qui avait déclaré "halal" la participation d´un parti islamiste d´un gouvernement même laïc. Il s´agit d´arracher des concessions qui concilient le court terme politique avec le long terme sociologique islamiste. Le RND, côté cour, jouerait ainsi le rôle de zone tampon entre les conservateurs du FLN et les islamistes du MSP et entre lesquels les distances idéologiques ne sont pas aussi grandes que ces deux partis voudraient bien le faire croire. Ces querelles s´inscrivent dans une stratégie. Ainsi, l´alliance jouerait le jeu démocratique en son sein. Les députés peuvent bien s´amuser à se rentrer dedans et à se défouler en l´absence d´un champ politique, et l´opinion publique est ainsi appelée à oublier l´opposition réelle en arbitrant ce conflit interne, pour prendre position au sein de l´alliance. L´opposition est complètement sortie des radars de l´opinion publique. Côté opérationnel, les seules véritables convergences consistent à réduire l´opposition parlementaire à son impuissance législative. Sur le terrain de l´apaisement des grèves ou des émeutes, ces partis ne sont pas opérationnels, ce qui introduit quand même un déphasage entre les missions statiques de soutien au président et les missions actives de l´encadrement des populations, principalement, lorque ces derniers manifestent bruyamment leur mécontentement.