Boudjerra Soltani a pris la présidence tournante de l´Alliance présidentielle, que lui a si aimablement remise Abdelaziz Belkhadem. C´est-à-dire que cette structure, qui a un président, le seul, le vrai, à savoir Abdelaziz Bouteflika, a aussi des présidents occasionnels, qui dans une sorte de relais, se passent le témoin tous les 400 mètres, à la différence qu´ici la distance ne se calcule pas en mètres, mais en mois, plus ou moins élastiques, à croire qu´il y a des mois de 28 et d´autres de 68 jours. Soltani hérite donc du témoin, pour entrer dans la course, mais pas le sceptre, qui est l´apanage de Bouteflika. C´est clair. Ce mode de fonctionnement, basé sur l´alternance, laisse entendre qu´au sein de l´Alliance, il n´y a pas de grand et de petit parti. Ils sont tous égaux devant l´Eternel et la volonté du chef de ... l´Etat. Le dernier acte de cette volonté d´égalitarisme a été la nomination de Boudjerra Soltani au poste de ministre d´Etat sans portefeuille, et c´est au nom du même principe que le leader du MSP exige d´être consulté sur les grandes questions gouvernementales: réforme de l´école, week-end universel, opération mains propres, élections partielles en Kabylie, essentiellement tout ce qui a trait aux «constantes nationales» dont le MSP estime être le détenteur, car pour le reste, il semble que ça va bien. Jusqu´à preuve du contraire, président tournant ne veut pas dire derviche tournant, encensoir, benjoin, sortilège, magie noire, incantation surnaturelle et tutti quanti. La structure a bien une feuille de route, une boussole, des organes intermédiaires, des concepteurs et des exécutants, des objectifs et des outils pour les réaliser, des caps et des escales pour faire le plein et charger les provisions. Bien sûr, qui dit cap, dit mer calme par moments, mais aussi bourrasques, houles, récifs, entre lesquels tout bon capitaine (raïs) doit savoir souquer et louvoyer. Voyons voir. Le premier cap de l´Alliance présidentielle fut le soutien à la candidature du président Bouteflika pour un deuxième mandat. Mission accomplie. Même si la réélection fut surtout l´oeuvre du président lui-même. Bref, l´échéance de 2009 étant encore dans les nimbes, donc assez loin dans le temps, elle ne constitue pas un cap stratégique pour le moment. Entre-temps il y a d´autres chats à fouetter et d´autres casseroles sur le feu. Le président, qui voyage beaucoup, semble avoir délégué une bonne partie de son programme à l´Alliance. Elle pourrait être un laboratoire où on débat des idées, une sorte de club, d´autant plus que les trois courants traditionnels y sont représentés: les nationalistes, les démocrates et les islamistes. Et pourtant, c´est loin d´être le cas. Non seulement l´Alliance est en rodage, mais en plus il semble que sur des questions sensibles, il n´y ait pas que des nuances, mais des divergences de fond. En l´absence de l´arbitrage du président, l´Alliance qui a du plomb dans l´aile, boite, traîne la patte. Quand on écoute Ouyahia et Soltani sur l´état d´urgence et l´amnistie générale, on a des positions antagoniques, à croire que le MSP est un parti d´opposition, alors que le FLN est surtout intéressé par la récupération de ce qu´il estime lui revenir de droit, puisqu´il est majoritaire dans les institutions. Dans ces conditions, la présidence tournante ressemble de plus en plus au jeu des chaises musicales. Celui qui se lève et qui n´est pas assez rapide perd sa place. Tournez manège! Ce qui est valable pour la présidence de l´Alliance, peut être envisagé pour la chefferie du gouvernement: chaque ministre d´Etat est un chef de gouvernement potentiel. N´est-ce pas que dans tous les pays du monde, le poste de Premier ministre est un fusible?