Une nouvelle étape a été franchie avec le renforcement de la gestion du pays par la puissance occupante. Attendue depuis quelques jours déjà, la nomination de Paul Bremer, en tant que premier administrateur de l'Irak - et donc chef hiérarchique du général à la retraite, Jay Garner - a été rendue publique mardi soir par le président américain George W Bush. Présentant le nouveau responsable le président Bush indique que Paul «Jerry» Bremer «(...) est un homme de grande expérience et qui mène à bien ce qu'il entreprend». Considéré comme un spécialiste du contre-terrorisme et des situations de crise, Paul Bremer, 61 ans, est un proche du parti républicain et connu comme étant un conservateur aussi ferme que les faucons qui entourent le président Bush. Ainsi, l'organigramme de la puissance occupante commence-t-il à prendre forme. Selon un communiqué de la Maison-Blanche Paul Bremer «sera le principal envoyé de la coalition en Irak» soulignant: «En tant qu'envoyé présidentiel, il supervisera les efforts de reconstruction entrepris par la coalition et le processus visant à permettre au peuple irakien de construire les institutions et les instances gouvernementales qui guideront son avenir», précisant: «le général Tommy Franck gardera le commandement des forces de la coalition engagées dans le théâtre d'opérations. M.Bremer sera placé sous l'autorité directe du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et conseillera le président sur les politiques nécessaires à la réalisation des buts de l'Amérique et de la coalition en Irak». Dans le chapitre des nominations, notons celle, la première du genre en fait, d'un Irakien, l'ancien général Hussein Al-Jabouri, comme gouverneur de la province de Salaheddine - Tikrit, le fief de Saddam Hussein. Selon le commandant américain Michael Silverman, en charge de la région, «la nomination de M.Jabouri est le résultat d'un effort de coopération entre les forces américaines, les Forces irakiennes libres (cf les milices de l'opposition formées en Hongrie par la CIA), et les forces locales (les résidus de l'ancien régime)». Ces deux nominations clarifient quelque peu la donne, mais n'apportent toujours pas les réponses à une situation qui tend plutôt à se désagréger. Si l'urgence demeure toujours le retour à la normale en Irak, les choses ne semblent point aussi évidentes que ne pouvait le penser ou l'espérer la puissance occupante. Ainsi, depuis son installation à la tête de l'administration provisoire de l'Irak, le général à la retraite, Jay Garner, ne parvient pas à concilier les divergences apparues entre les différents groupes de l'opposition pour la formation d'un pouvoir transitoire devant conduire les affaires publiques. Jay Garner est finalement arrivé à «sélectionner» cinq factions, susceptibles, selon les observateurs, de former le noyau du futur pouvoir irakien. Si nombre d'entre eux ont aidé les Etats-Unis à préparer leur guerre contre le régime de Saddam Hussein, l'administration américaine était toutefois contrainte de composer avec les forces locales représentatives, qu'elles soient issues des tribus ou ayant servi sous l'ancien régime. Ces groupes, (l'UPK de Jalal Talabani, le PDK de Massoud Barzani, le CNI d'Ahmed Chalabi, l'Asrii - chiite de l'ayatollah Mohamed Baqer Hakim - et l'Entente nationale irakienne de Iyad Alaoui), qui ont entamé entre eux des discussions devaient se rencontrer de nouveau aujourd'hui dans la perspective de la mise en place des préparatifs d'un congrès national devant dégager le «noyau» dirigeant d'un gouvernement intérimaire. Dans cette optique le parti islamique (chiite) à Al Daawa veut lui aussi participer au gouvernement intérimaire. Rentré hier d'un exil de 33 ans, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein, Adnane Pachachis (80 ans) figure emblématique de l'opposition irakienne, est pressenti pour jouer «un rôle important» dans l'après Saddam Hussein et la reconstruction de l'Irak. Reconstruc-tion dans laquelle les Européens tentent encore de trouver leur rôle et celui de l'ONU comme le rappelle Javier Solana, le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère. Celui-ci indique que «tout le monde cherche à adopter une attitude très constructive et très pragmatique», ajoutant cependant: «Mais il est nécessaire que nous ayons une idée des positions des pays les plus importants», espérant que ceux-ci (les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) acceptent de «discuter de leurs idées pour l'avenir de l'Irak avec le Conseil de sécurité dans les jours qui viennent». Il est peu probable que Washington accède à cette demande considérant l'Irak comme une affaire «strictement» américaine. De fait, un voile se lève sur l'affaire de la filiale du groupe américain Hallilburton, la multinationale proche du vice-président Dick Cheney, à laquelle fut attribué un contrat pour «éteindre» les incendies des puits de pétrole en Irak prévoirait, également, «l'exploitation d'installation et la distribution de produits pétroliers», selon les révélations d'une lettre de l'armée à un parlementaire démocrate. Ce dernier, le représentant Henry Waxman, estime que «ces nouvelles révélations sont significatives et elles vont à l'encontre des assurances répétées que l'Administration a données comme quoi le pétrole irakien appartient aux Irakiens». Notons enfin qu'un nouveau dirigeant irakien du régime déchu, Ghazi Hammoud Al-Oubéidi a été arrêté hier, de même que celle, non encore confirmée par le Pentagone, de Mizban Khidir Hadi.