Les coalisés donnent l'impression de ne pas savoir par quel bout prendre l'après-Saddam Hussein. D'aucuns s'accordent, aujourd'hui, à dire que les Etats-Unis, maîtres d'oeuvre de la guerre en Irak, semblent avoir tout prévu sauf l'essentiel: l'après-guerre et la prise en charge du pays dans l'optique, à tout le moins, de minimiser au maximum les dégâts. Or, tout porte à croire que les stratèges, qui ont construit la guerre et la victoire, n'ont pas prévu la suite à donner à «leur» victoire. Certes, le mot «reconstruction» de l'Irak est dans toutes les bouches, à tous les temps et sur tous les tons. Mais la vérité est tout autre: près de quatre semaines après la chute du régime de Saddam Hussein l'administrateur «civil» le général à la retraite, Jay Garner, semble se noyer dans les problèmes d'un pays livré à l'anarchie. Cela, d'autant plus, que les Irakiens, dans une sorte de masochisme à rebours, semblent tout attendre des occupants américano-britanniques comme le confie un jeune Irakien à une agence de presse avouant: «Les gens veulent beaucoup de choses, de l'argent, du travail, de l'essence pour les voitures, et aussi ils veulent quelqu'un qui les guide, pour leur dire ce qu'il faut faire». De fait, le simple citoyen vaincu a abandonné toute volonté semblant tout attendre de ses vainqueurs, au moment où l'opposition, dont les divergences se font plus vives, n'arrivent pas à se transcender pour se poser en alternative de pouvoir crédible. Dans un Irak où la situation est, à tout le moins, quelque peu surréaliste, l'Union européenne tente, vaille que vaille, de se trouver une place dans un pays accaparé par l'ogre américain. Collectivement, ou individuellement, les pays de l'UE essaient ainsi de dégager un consensus propice à intégrer ses membres dans le club très fermé des «reconstructeurs» de l'Irak. Club d'où, d'ores et déjà, l'ONU semble exclue. Ce qui apparaît aux dires d'un haut responsable américain, que Washington «a commencé à mettre en place une force de stabilisation» en Irak, sans mandat de l'ONU. Ce responsable explique ainsi le développement de la situation: «L'idée est que cette force serait générée par une coalition sur une base volontaire», ce qui exclurait, en tout état de cause, une force mandatée par l'ONU. Dans cet ordre d'idées, le même responsable, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, explique que la force de stabilisation en question «se partagerait le pays en trois secteurs, administrés séparément par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et...la Pologne». A l'évidence, Washington fait une fleur à Varsovie qui a su coopérer avec la coalition américano-britannique. Ces trois secteurs, qui vont être instaurés en Irak, rappellent la manière avec laquelle le Kurdistan irakien a été partagé en 1991 entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et...la France qui ont créé, sans mandat de l'ONU, des zones d'exclusion au nord et au sud de l'Irak. De fait, dans la perspective de la mise sur pied de la «force de stabilisation» une réunion de travail s'est tenue, hier, à Londres qui a regroupé 17 pays - dont douze d'entre eux sont membres de l'OTAN - selon le porte-parole du ministère britannique de la Défense, lequel estime que cette force disposera de «25.000 à 30.000 militaires» d'ici à la mi-mai. La France, l'Allemagne et la Russie, ce qui n'est pas une surprise, n'ont pas été invitées à cette réunion, indique la même source. En Irak, la situation reste assez confuse, marquée cependant par l'annonce de la prochaine arrivée d'un haut fonctionnaire civil, Paul Bremer, qui chapeautera - et sera le chef direct - le général à la retraite, Jay Garner, administrateur «civil» provisoire de l'Irak. Après plusieurs semaines de tâtonnements, le général Garner, imposé par le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, n'est pas parvenu, c'est le moins qui puisse être relevé, à maîtriser la situation, à endiguer l'anarchie et le chaos qui menacent l'Irak, ni à se faire accepter par le peuple irakien. Paul Bremer, un spécialiste de la lutte anti-terroriste, considéré comme un faucon est, également, un proche du secrétaire à la Défense. Son rôle dans l'après-guerre et la reconstruction de l'Irak n'a pas été, cependant, précisé. Selon la presse américaine, le président Bush officialisera la désignation de Paul Bremer - en tant qu'administrateur en titre de l'Irak - dans le courant de la semaine prochaine. Pendant ce temps, la traque des anciens dirigeants irakiens se poursuit. C'est ainsi que le commandement central américain, (Centcom, basé au Qatar) a annoncé, hier, l'arrestation de l'ancien vice-président irakien, Taha Mohieddine Maarouf, et de l'ex-vice-Premier ministre et ministre de l'Industrialisation militaire Abdel Tawab Moulla Howeicha. Ce qui porte à 17 le nombre de hauts responsables irakiens arrêtés par les Américains depuis la chute de Saddam Hussein.