La vie est ainsi faite ! C´est en général une suite d´espérances suivies de désillusions, d´espoirs et de déceptions, de mirages et de retour à la dure réalité du moment. Vous me direz évidemment que tout le monde n´est pas logé à la même enseigne: alors que certains sont nés sous une bonne étoile, à l´étranger de préférence, avec un papa qui gagne beaucoup d´argent en Algérie et qui le dépense beaucoup plus à l´étranger (comment fait-il? Mystère et boule de gomme!), une maman qui a trois bonnes à tout faire, l´une pour la cuisine, l´une pour la lessive et la troisième pour allaiter le petit dernier. Il y a aussi le jardinier qui fait le jardin, les courses, lave la voiture, nettoie la piscine, fait le gardien de nuit et répond au téléphone quand les portables sont tous éteints. La maman, la pauvre, elle a tout juste le temps d´aller chez le coiffeur et de téléphoner à sa mère qui est dans un hospice, à l´étranger, bien sûr. Cet enfant né sous la bonne étoile a, bien sûr, fait ses classes outre-Atlantique et il a une place toute chaude qui l´attend dans la PME que son père vient de lui créer grâce à un prêt de l´Ansej. Naturellement il fera un mariage du tonnerre avec une fille chouette, née, elle aussi, sous une très belle et bonne étoile... Et puis, il y a les autres dont les parents sont quasiment analphabètes, pas même foutus d´avoir une modeste retraite en euros: le père est journalier et il a navigué entre différentes «Sona» avant d´échouer aux «Edga» où il n´a même pas eu l´idée de traficoter un peu, en vendant de l´électroménager au noir au temps béni du monopole d´Etat...Les enfants, eux, ont tous arrêté les études au BEF car c´était trop demander à une famille, où on ne lit même pas un quotidien, d´étudier et de vendre des cigarettes ou des «m´hadjeb skhounine»...Dans la vie, il faut choisir : boire ou conduire... La vie est ainsi faite, déceptions et consolations. La première déception est, bien sûr, celle où l´on s´aperçoit qu´on est né au mauvais moment dans un endroit pas tout à fait indiqué par les guides touristiques... La deuxième déception, c´est la déception d´amour. Après avoir longtemps brûlé pour une charmante brune aux yeux verts et aux dents éclatantes, on s´aperçoit vite que la colombe, elle, flambe plutôt pour le fils du grossiste en tissus dont le chauffeur vient tous les jours accompagner l´adolescent qui présente, déjà comme son père, un début d´embonpoint mais la déception d´amour, on en guérit vite, dès que l´on s´aperçoit que, c´est pour avoir raté la femme de sa vie (ou celle que l´on croit telle) qu´on fait de merveilleuses rencontres qui auraient été impossibles si la charmante brune aux yeux verts avait choisi de roucouler dans votre sordide volière. Ainsi, le chagrin d´amour est oublié et enterré grâce à d´autres chagrins, d´autres plaies. Celle qui dure le plus, c´est, évidemment, la plaie d´argent mais on s´y habitue dès le moment où l´on rode son organisme au régime adéquat des dures lois économiques. Dura lex, sed lex! Le train de vie d´ascète que l´on s´est imposé devient vite une habitude. Et l´habitude devient une seconde nature avant d´être considérée comme la caractéristique essentielle de l´individu. Cependant, la plus grande déception, c´est celle qui est cyclique: étant de nature politique, elle survient après chaque changement de gouvernement et soumet le citoyen naïf au régime de la douche écossaise.