Ce fut une agréable surprise: retrouver un ancien collègue de travail après plus de 30 ans d´absence. Ce vieux collègue de travail n´était autre que Abdelaziz Tolbi, ce talentueux réalisateur qui signe quelques documentaires coréalisés avec l´illustre journaliste de la RTA Tahar Ben Aïcha. Ces documentaires montraient l´extrême misère des Algériens vivant comme des troglodytes au moment même où l´Algérie posait les premières pierres d´une industrie. Cependant, Abdelaziz Tolbi exécuta son coup de maître en adaptant pour le petit écran Noua, roman de l´ancien écrivain engagé Tahar Ouettar...Ce film portait en outre la griffe du regretté directeur de la photographie, Nourredine Adel, aujourd´hui disparu. Après les salamalecs d´usage, j´évoque avec Tolbi les impérissables souvenirs vécus entre Annaba et la frontière tunisienne. Lieu de tournage du film Noua en 1971 et bizarrement, nous tombâmes d´accord, dans un même élan et une même analyse, que deux films algériens avaient gardé toute leur force grâce à l´impact de leurs images, et qui étaient devenus des références documentaires, comme des archives: ces deux films étaient La Bataille d´Alger du regretté Gillo Pontecorvo pour le circuit commercial et le second Noua pour le réseau des salles d´art et d´essai. Abdelaziz me confia qu´il trouvait chaque année des droits d´auteur qui lui étaient versés par les société des droits d´auteur. Si j´évoque ce souvenir, c´est avant tout à cause de la récente actualité des élections françaises: après sa victoire à la présidentielle, le nouveau président Sarkozy et sa famille furent invités par un milliardaire de ses amis à passer une semaine de vacances dorées, à bord d´un luxueux yacht, au large de Malte. La presse s´empara de ce fait divers pour disserter sur les relations possibles entre hommes politiques et hommes d´affaires. La morale et la politique s´affrontaient de nouveau sur le terrain des convenances et de la bienséance. Les sympathisants de la cause Sarkozy n´ont pas manqué de rappeler que les dirigeants socialistes ont aussi fréquenté des milliardaires. A titre d´exemple, ils ont cité Mitterrand qui avait comme ami Pierre Pelat, industriel. La sympathie qui existe entre progressistes tièdes et milliardaires n´est pas nouvelle, ce qui a créé la savoureuse formule de gauche caviar. Ce qui explique les concessions, les compromissions et les renoncements de beaucoup de socialistes. On peut évaluer la fortune d´un soi-disant progressiste en fonction de ses glissements progressifs vers la droite. A titre d´exemple, Yves Montand, ancien sympathisant communiste, avait fini par faire de multiples parties de bridge avec le baron Empain, industriel belge. La récente diffusion du film du cinéaste suisse Claude Goretta sur TPS, Thérèse et Léon, est intéressant à plus d´un titre: il fait la peinture d´une époque troublée de la politique française à travers l´ascension irrésistible du dirigeant socialiste Léon Blum, de confession juive, qui dirigea les grandes réformes sociales en France en 1936. Cette période fut surnommée par les historiens «le grand tournant» à cause de l´ampleur des réformes. Le patronat français subjugué par la dimension des grandes grèves et occupations d´usines, souhaita et précipita l´avènement de Léon Blum au pouvoir: Léon avait comme ami intime le patron des patrons. Puisse un jour Da Velaïd être inspiré pour nous écrire un scénario de ce style où nous verrions les virtuoses de la langue de bois croiser les chèques avec les fraudeurs. [email protected]