Si vous n´avez pas eu la chance de connaître l´Algérie dans son immense diversité géographique, sa richesse de types humains et d´accents, ses contrastes et ses contradictions, il vous aura suffi de postuler à un emploi à la RTA au lendemain de l´Indépendance et vous auriez vécu (bien ou mal, peu ou prou) un condensé de l´histoire moderne de notre pays. Alors que beaucoup d´entreprises publiques sont qualifiées de poumon, de coeur, de mémoire de l´Algérie, la RTA est tout cela: le cerveau qui reçoit des informations, les filtre et les retransmet, le coeur qui bat au rythme des heurs et des malheurs qui ont secoué le pays. C´est aussi le point de chute des chouchous des régimes comme le tremplin de carrières aussi fulgurantes qu´éblouissantes. Vous aurez connu des hommes généreux, ardents patriotes tout comme de simples citoyens venus simplement gagner leur vie en apportant à l´édifice leur humble pierre. Hier, une cérémonie a regroupé anciens et actuels travailleurs de la RTA pour célébrer le 45e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale de ce média lourd: bien avant Mers El Kebir, Reggane ou le L-T-A-E de Cap Matifou. Le pouvoir algérien a récupéré le porte-voix du boulevard des Martyrs pour le confier à Saout El Aarab, autrement dit le regretté Aïssa Messaoudi qui a su porter haut la voix de l´Algérie combattante. Il faut préciser, et là c´est utile de le préciser pour la petite histoire, alors que les vétérans se chamaillaient sur le nom de celui ou de ceux qui ont hissé le drapeau national sur l´imposant immeuble qui dominait Alger, que cette idée de cérémonie commémoratrice est née en 1976, lors d´un conflit syndical qui opposait direction et représentants des travailleurs neuf mois durant (le temps d´une gestation!). Il faut rappeler que jusqu´en 1975, la RTA bénéficiait de l´attention du régime et des instances syndicales qui sont allées en 1971 jusqu´à imposer un S.G ce fut une rupture entre les travailleurs et la section fantoche. La section syndicale qui la remplaça après une âpre bataille politique eut toutes les peines du monde à faire appliquer les textes législatifs progressistes préparés par l´équipe de Mohamed Saïd Mazouzi. Une plaque commémorative fut apposée à l´entrée de l´immeuble pour rappeler le sacrifice des anciens employés de la RTF: Ali Djenaoui et ses camarades qui prirent le maquis pour finir victimes de la bleuite, celui qui disparut mystérieusement dans la tourmente de l´été de la discorde, ceux qui sont morts en accompagnant Boumediene au Vietnam, les victimes de la tragédie nationale...Il faut se rappeler aussi ceux qui sont morts à la tâche, les directeurs photo qui ont laissé des images inoubliables comme Youcef Sahraoui, Nouredine Adel Mahmoud Lakehal ou Tahar Hannache. Des réalisations de talent comme M.Gribi et Badie. Des journalistes morts dans l´indifférence générale comme le talentueux Mohamed Kechroud. Des fortes personnalités hors du commun comme Hachemi Souami, Georges Arnaud, Kateb Yacine, M´hamed Issiakhem qui ont traversé comme des météores le 21 Bd des Martyrs. Il ne manquait qu´Assia Djebar et Abdelhamid Benheddouga pour donner ses lettres de noblesse à l´institution. En conclusion, si la RTA a recouvré en 1962 la souveraineté nationale, il ne reste plus qu´à la souveraineté de toute la nation de recouvrer la RTA.