La nouvelle oeuvre de Rachid Boucahreb Hors-la-loi fait beaucoup de bruit, singulièrement en France, où l´on accepte mal, ou pas du tout, une opinion divergente ou indépendante, sur certains faits et aspects de l´histoire commune, comme le démontre l´occultation du 8 Mai 1945, par l´historiographie française. Tout comme elle l´a été du reste peu explorée du côté algérien. Nous ne commenterons pas Hors-la-loi que nous n´avons pas encore vu. Toutefois, la sortie du film de Rachid Bouchareb donne loccasion de revenir sur certains aspects de la propre prise en charge de notre Histoire et de notre historicité. C´est très facile de jeter la pierre à l´autre quand des pans entiers de l´Histoire récente ou ancienne de notre pays demeurent enfouis dans l´ombre, lorsqu´ils ne sont pas délibérément soustraits au travail d´investigation des historiens. Que ce soit à propos du 8 Mai 45 et la sanglante répression de larmée et des colons français, du 1er Novembre, de la problématique de la rupture du mouvement national dans les années 50, ou de la question bérbériste à la fin des années quarante.... Autant de points d´histoire encore à éclaircir dont l´approche, pour des raisons pas toujours évidentes, demeure taboue. Or, mieux nous connaissons notre histoire et notre passé historique, mieux nous serons à même de nous assumer et défendre notre historicité. C´est absurde que 48 ans après l´indépendance du pays, les Algériens ne connaissent pas mieux que cela leur histoire, l´Histoire de l´Algérie. La polémique autour de la mort de Abane Ramdane et du colonel Amirouche en témoigne largement. Peu d´historiens ont pris à bras le corps ce chapitre, combien controversé, de notre histoire récente. De fait, est-ce que l´on sait que le Congrès du Cnra (Conseil national de la Révolution algérienne) qui s´est tenu à Tripoli (Libye) du 4 au 7 juin 1962, ne s´est jamais achevé et la session a été levée tout en restant...ouverte? En effet, le Conseil national de la Révolution algérienne, qui s´est réuni donc à Tripoli en juin 1962, pour adopter un programme et élire un bureau politique, dans la perspective de l´indépendance future du pays, ne termina pas ses travaux, buttant sur la question des hommes. Et c´est sans doute cette question d´hommes - leur place dans le lutte libratrice d´hier, leurs combats précurseurs aux époques turques, musulmanes, romaines, numides...- qui a toujours posé problème. Ce qui, sans doute aussi, explique cette maxime toute algérienne qu´il n´y aurait qu´ «un seul héros: le peuple». Bannissant de fait le leadership algérien, pourtant à la base, notamment, de la Révolution du 1er Novembre. Il fallut des hommes décidés, sachant ce qu´ils voulaient pour entraîner, ce qu´on qualifait, il n´y a pas longtemps, encore, de «masse populaire». Sans Ben M´Hidi, sans Benboulaïd et leurs compagnons d´armes, y aurait-il eu une Révolution en Algérie? C´est là des interrogations légitimes que tout Algérien est en droit de poser, de se poser. Cela, pour dire que l´Histoire, et singulièrement son écriture, ne sauraient être laissées à la seule prérogative des autorités officielles. En revanche, il est du devoir de ces autorités d´ouvrir les archives du pays et donner libre accès aux historiens, seuls en fait à même de comprendre et d´expliquer ces pans de l´Histoire demeurés dans l´ombre. Peu d´Algériens des générations post-indépendance connaissent réellement la grande richesse de l´Histoire de leur pays, se créant comme palliatif des «Héros» venus d´ailleurs. C´est évident: seuls les historiens sont capables de défendre l´Histoire de leur pays car ils sont les plus habilités à en parler et censés être ceux qui y travaillent pour la vulgariser et la rendre accessible au plus large public. Or, les seuls livres marquants sur l´histoire, récente ou ancienne de l´Algérie sont, pour des raisons objectives ou autres, du seul fait d´historiens étrangers. Et cela est navrant!