Le feuilleton des révoltes dans les prisons algériennes qu'on avait cru à jamais fini, redémarre en ce début de semaine. Ainsi, après une «trêve» d'une année, c'est au tour des prisonniers du pénitencier de Tazoult (ex-Lambèse) d' entrer dans un mouvement de contestation. Déclenché samedi, ce mouvement s'est poursuivi hier et la situation est en passe d'être maîtrisée selon l'APS. Les prisonniers se sont insurgés contre le fait que la grâce présidentielle décidée à l'occasion de la fête du Mouloud n'ait pas touché certains de leurs camarades. Des détenus sont montés sur les toits des bâtisses où ils ont passé la nuit de samedi à dimanche. Ils ont ensuite mis le feu à leurs literies qu'ils avaient hissées jusque-là. D'autres détenus restés dans leurs cellules ont également brûlé leur matelas et couvertures. Hier, la protection civile, assistée par les forces de sécurité, est intervenu, pour circonscrire l'incendie. Les prisonniers ont été sommés par les brigades antiémeutes, qui ont usé de bombes lacrymogènes, de descendre de la terrasse et de rejoindre leurs camarades dans le pénitencier. Samedi, les autorités locales et judiciaires avaient déjà tenté, mais sans succès, de nouer des contacts avec les prisonniers mécontents. A l'issue de l'assaut donné par les services de l'ordre, on a dénombré huit blessés parmi les prisonniers révoltés. Evacués sur l'hôpital, deux d'entre eux ont dû subir des interventions chirurgicales. L'un aurait tenté de se suicider alors que l'autre serait tombé du deuxième étage. Juste après ces événements, l'annulation jusqu'à la fin de la semaine des visites dans l'établissement a été décidée. Cela étant, au-delà de la cause directe ayant déclenché le mouvement de protestation, à savoir la mesure de grâce présidentielle dont une partie des détenus s'est estimée être exclue, c'est la problématique de la gestion des prisons qui revient une nouvelle fois sur le devant de la scène. Tellement le nom de Ahmed Ouyahia, ex-ministre de la Justice, a été associé aux mutineries de prison tant elles avaient rythmé la vie carcérale sous son règne, d'aucuns s'interrogent sur l'étrange coïncidence entre le retour aux affaires de l'ancien garde des Sceaux et ce qui vient de se passer à la prison de Tazoult. On se souvient du scandale qui a éclaboussé durant le printemps de l'année 2002 le ministère dont avait la charge Ahmed Ouyahia. Entre le 2 avril et le 9 mai de cette année, tour à tour, les prisonniers de Chelghoum Laïd, Serkadji, Ras El Oued (Bordj Bou-Arréridj), Sétif, El-Harrach, El-Khroub, Bousssouf (Constantine), Bechar, Aïn Mila (Constantine), M'sila, Annaba, Sidi Bel Abbes y avaient mis le feu ou ont conduit des mutineries. Le bilan particulièrement lourd, s'élevait à 45 morts et à des dizaines de blessés. Si les formes ont été sauvées, il n'en demeure pas moins qu'Ouyahia perdra son poste après les législatives du 30 mai, à l'issue desquelles un nouveau gouvernement sera nommé. Dès lors, l'atmosphère de conspiration dont se ressentait cette affaire va trouver quelque peu son point d'atténuation en la nomination de Abdelkader Sallat au poste de ministre délégué auprès du ministre de la Justice chargé de la réforme pénitentiaire. Ainsi, il y a presque une année, jour pour jour, que la réforme des prisons a été décidée par les pouvoirs publics, mais force est de relever qu'elle n'a pas abouti aux résultats escomptés. En dépit des efforts déployés par le département de Abdelkader Sallat, on a aujourd'hui l'impression que notre système carcéral n'a pas connu le traitement de choc tant attendu. Oui, il y a ce projet de supprimer Serkadji, oui mais tout cela paraît rattaché à un lendemain qui tarde à venir. Alors?