Ce mouvement coïncide étrangement avec la nomination de M. Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement. La situation n'était pas encore totalement maîtrisée, hier, dans la prison de Tazoult au lendemain du mouvement de protestation des détenus, furieux de ne pas figurer sur la liste des prisonniers graciés par le président de la République, à l'occasion de la fête du Mawlid Ennabaoui Echarif. En fin d'après-midi, un correspondant de l'APS notait la présence d'une colonne de fumée issue du centre pénitentiaire, un des plus importants du pays. Les prisonniers ont passé la nuit de samedi à dimanche sur les terrasses et mis le feu à leur literie pendant que les autorités pénitentiaires, assistées des responsables locaux de Batna, tentaient de ramener le calme. Pour cela, elles ont certes mené des contacts directs avec les détenus, mais aussi contraint les forces antiémeutes — dont les unités ont été renforcées — à user de bombes lacrymogènes. Des mesures immédiates ont été prises par la direction, les visites sont ainsi suspendues jusqu'à la fin de la semaine en cours. Evidemment, normaliser la situation dans un centre comme Tazoult n'est pas une sinécure. Inauguré en 1852, il compte pas moins de 1 700 prisonniers. Le mouvement de protestation, entamé samedi dernier en début d'après-midi, a fait au moins huit blessés parmi les révoltés, en majorité condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement ou à perpétuité. Le procureur général de Batna avait annoncé, hier, que “l'ordre et la discipline étaient totalement rétablis ce matin”, précisant que le mouvement avait été déclenché par “un groupe restreint de détenus, condamnés à de longues peines”. Il a aussi précisé que certains des détenus protestataires ont bénéficié, l'année dernière, de mesures de grâce portant commutation de la peine capitale en réclusion perpétuelle. Le président de la République a accordé sa grâce à 5 000 détenus à l'occasion de la célébration de la fête religieuse du Mawlid Ennabaoui Echarif, anniversaire de la naissance du Prophète de l'islam. La prison de Tazoult n'en est pas à ses premiers troubles. En 1994, près de 1 200 prisonniers, dont beaucoup ont été arrêtés pour actes de terrorisme, s'y étaient évadés, faisant naître un sentiment d'indignation et de terreur dans toute la région. En décembre 2000, deux détenus de droit commun ont réussi à s'échapper sans jamais être arrêtés. L'année dernière, dans le cycle d'incendies et de tentatives de mutinerie enregistré dans les prisons algériennes, Tazoult a bougé. L'espace de deux mois, la population carcérale, estimée à près de 4 000 personnes, a défrayé la chronique à travers des mouvements inédits. A titre symbolique d'ailleurs, Serkadji a “su” donner le ton lorsque des détenus ont mis le feu à leur literie, provoquant la panique de leurs camarades ; la tentative de mutinerie et l'incendie ont fait 19 morts et six blessés. Quelques jours plus tard, un incendie dans le département des mineurs à la maison d'arrêt d'El-Harrach (Alger) faisait 20 blessés. A la prison de Constantine, 48 détenus furent blessés aussi dans un incendie. La même chose se produisit à la prison de Béchar où une cinquantaine de détenus a été victime des flammes. A Chelghoum Laïd, les prisonniers ont eu moins de chance, puisque vingt d'entre eux trouveront la mort dans un accident similaire. Le ministre de la Justice, à l'époque, s'appelait Ahmed Ouyahia. Celui-là même qui est devenu Chef du gouvernement il y a six jours. L. B.