Quand on observe la douloureuse actualité, on constate avec amertume que toutes les tragédies vécues par les populations frappent en premier lieu les jeunes. Ce sont eux qui sont en première ligne: les harragas qui font naufrage, les naufragés du désespoir qui prennent le maquis, les kamikazes, les auteurs d´attentats, les victimes d´accidents de la circulation, le chômage, l´aliénation mentale. La jeunesse est la première servie à l´ouverture de la boîte de Pandore. Et pourtant... Et pourtant, ceux qui ont hérité le pouvoir de la lutte de libération ont été jeunes. Et pourtant, depuis un certain temps, ils n´ont pas cessé de nous abreuver de flots de discours sur le thème de la jeunesse: «Les jeunes doivent saisir le flambeau!» «Passons le flambeau de la Révolution à la jeunesse». Le président de la République a, lui-même, axé son programme sur les problèmes de la jeunesse. Le gouvernement a suivi en organisant des assises sur cet épineux problème, sensibilisant par la même occasion sur les mesures à prendre pour alléger la jeunesse de ses problèmes. Même les candidats aux élections communales ont saisi au bond ce thème porteur pour promettre emplois et fonds de commerce uniquement aux jeunes. Il faut dire que les chantiers éphémères ouverts pour assainir l´environnement (entretien des talus, curage des fossés et ravalement des façades) ne sont guère mobilisateurs et sont aussi efficaces qu´un cautère sur une jambe de bois. La jeunesse a besoin d´espoir: le défunt Boumediène l´avait bien compris en mobilisant une partie de celle-ci par des chantiers durables et enthousiasmants: révolution agraire, transsaharienne et barrage vert. En l´absence d´horizon, la jeunesse n´a qu´une aspiration: quitter les murs gris de la cité ou le morne paysage quotidien du village pour un ailleurs qui ne peut déboucher que sur un emploi valorisant autre que gardien de parking. Les institutions, tant au niveau local que national, devraient se pencher avant tout sur les problèmes de formation et, ensuite, trouver de meilleures formules pour redynamiser l´Ansej. Si, en ville, il y a beaucoup de débouchés pour les jeunes, dans la campagne, les créneaux d´opportunités sont plus réduits. Jadis, les élèves qui arrivaient au certificat d´études pouvaient suivre une formation agricole: arboriculture, agriculture, des activités qui intéressent surtout les régions montagneuses où le savoir est capital. L´artisanat est aussi un secteur non négligeable. Cependant, le développement du tourisme à l´intérieur du pays peut être aussi un facteur créateur d´emplois. La variété de paysages que comporte le pays jure avec le manque flagrant d´infrastructures et surtout de politique de mise en valeur des richesses naturelles à vocation touristique: sites pittoresques, sources thermales... Il va sans dire que la création d´auberges, d´hôtels sur les itinéraires des randonneurs fournira par accrétion d´autres emplois qui, non seulement vont fixer une population jeune dans un environnement qui tend à se dépeupler au profit des banlieues très denses des grandes villes, mais aussi exerceront un attrait certain sur ceux qui ne sont pas à l´aise dans les ceintures urbaines. La stimulation d´une production nationale au profit de l´importation stérile est le meilleur moyen de fixer la jeunesse sur le terrain. S´il faut bien que jeunesse se passe, un pays ne peut se passer de sa jeunesse.