Il pleut! Il pleut sans cesse depuis trois jours. Il pleut des cordes. Il pleut des chats. Il pleut des hallebardes. La pluie tombe sans arrêt: elle ruisselle, elle coule, elle bouche toutes les cavités, tous les creux de la topographie tourmentée et torturée d´un sol saturé par les interventions désordonnées de l´homme. Après avoir coulé abondamment, l´eau remplit les fossés; l´eau ayant charrié tous les détritus qu´elle a trouvés sur son chemin s´arrête et stagne. Elle ne veut plus aller plus loin. Elle ne peut plus aller plus loin. Cette pluie, qu´on aurait qualifiée de bénéfique en d´autres occasions surtout par ceux qui ont connu le quart de siècle de sécheresse et de parti unique, devient une menace. Alors qu´hier encore on souhaitait que les faux barrages construits et inaugurés à cor et à cri se remplissent abondamment, ainsi la Seeal ne trouvera pas d´excuse météorologique pour expliquer les coupures d´eau dans les quartiers malfamés, maintenant, on redoute la colère du ciel après avoir éprouvé d´autres fléaux. C´est la catastrophe: la pluie ne daigne pas s´arrêter. Alors les citoyens ne peuvent qu´implorer ce ciel impitoyable et entamer la comptabilité macabre des dégâts. Des routes coupées, des routes inondées où des voitures font naufrage, rendant les embouteillages habituels encore plus inextricables; les bus qui avaient un instant bravé la circulation se font rares et les usagers tempêtent dans les abribus submergés: on s´abrite comme on peut. Déjà la perspective d´une journée chômée se dessine. Déjà les premières rumeurs commencent à circuler: les rumeurs se déplacent très vite par mauvais temps: on parle de morts, de blessés, de maisons effondrées, de glissements de terrain, de chalets inondés... Les pauvres sinistrés de mai 2003 sont des sinistrés pour la troisième fois: du régime, du séisme et de la divine pluie qui met à nu tous les défauts, tous les vices et toutes les tares du système. Maintenant, on parle d´un pont effondré entre Staouéli et Aïn Benian: un pont neuf! Les usagers n´auront plus qu´à emprunter, après avoir fait un long détour par l´Histoire, les ponts légués par l´infâme colonialisme et qui nous narguent encore par leur endurance. Le paysage offre une désolation indescriptible: il suffit de prendre la route de Bordj El Kiffan vers Qahouet Chergui pour se rendre compte de l´imprévoyance des autorités: il faudrait prendre une barque pour s´y rendre sans encombre, sur une route où les chantiers s´éternisent, où les bas-côtés sont de véritables piscines. S´il n´y avait que cela! Le voitures sont pare-chocs contre pare-chocs et des délinquants de la route, essayant de se faufiler en dépit de tout bon sens, ajoutent au chaos et augmentent la détresse des autres conducteurs: deux heures pour faire 10km! Tout cela sans trace d´une présence de quelque autorité ou force publique à 7h. Cependant, ce déluge vient à point nommé: à la fin d´une campagne électorale sans relief où la démagogie des partis et la fausse naïveté des candidats se disputent un électorat qui a la tête ailleurs. Les promesses pleuvent chez les candidats des partis au pouvoir: on dirait qu´ils ne vivent pas parmi nous et qu´ils n´ont aucune responsabilité dans les désagréments, les drames et les tragédies que vivent les uns, les autres, enfin presque tout le monde. Vous m´aurez compris!