L´été arrive à grandes enjambées. L´été est déjà là avec ses chaleurs, ses estivants qui conduisent comme des fous vers des plages réduites et surpeuplées, par des routes encombrées, parsemées de stations d´essence souvent à sec. Ça carbure sec! Et les chaînes s´allongent devant les guichets, mais ce n´est pas cela qui me préoccupe, car l´essence ne sert que de ricochet à la pensée qui s´égare sur les sommes fabuleuses qui pleuvent à la faveur d´un baril qui monte, qui monte...Que fera donc le pouvoir de toute cette richesse? Au moment où beaucoup ne pensent qu´à contempler la grande bleue, d´autres qui n´ont ni le goût ni les moyens physiques ou matériels de participer à la grande transhumance, se contentent de rester devant le petit écran et d´imaginer ce que sera demain un espace audiovisuel libéré. La promesse de la création de nouvelles chaînes au pays de la pensée unique est comme un point fixé à l´horizon: il s´éloigne au fur et à mesure qu´on s´en approche, et les gouvernements se suivent, se ressemblent tout comme les discours de circonstance. Avec la disparition du code TPS, le téléspectateur s´accroche comme il peut aux programmes de qualité. Et cette semaine, c´est Arte qui s´est distinguée en retraçant (après la chaîne Histoire qui, le mois dernier, a reconstitué l´épopée de la lutte pour les droits civiques, menée par le pasteur Martin Luther King, deuxième homme américain à bénéficier d´une journée fériée, chômée et payée par tous les Américains), la carrière étonnante du premier acteur noir américain à avoir obtenu un Oscar, suprême récompense du cinéma d´Hollywood. Le documentaire avait, outre la quantité de documents, de témoignages et de fines analyses, réussi à mettre en valeur tous les grands personnages, célèbres ou oubliés qui ont participé à la grande marche du M.L..King: des chanteurs ou des acteurs réputés comme Paul Robeson, Harry Belafonte, Burt Lancaster, des réalisateurs comme Richard Brooks ou Stanley Kramer, des gens qui avaient mis l´avenir de leur carrière dans la balance, dans une société réputée comme démocratique mais qui écrasait les minorités. La biographie d´un grand homme ne se résume pas seulement à l´énoncé des événements qui ont émaillé sa vie publique ou privée, aux péripéties dramatiques, aux anecdotes croustillantes, tout comme elle ne se limite pas à l´oeuvre artistique ou économique qu´il a produite, mais à l´héritage qu´il lègue à la génération suivante. La démocratie américaine n´a fonctionné que pour les Blancs. C´est la raison pour laquelle la ségrégation raciale US a longtemps soutenu le régime d´apartheid sud-africain. Le journaliste Dominique Lapierre a réussi à démontrer que les idéologues de l´apartheid avaient puisé leur inspiration dans l´Allemagne nazie, durant les années 30, à la faveur de leurs études suivies en Europe. Ainsi, la boucle est bouclée: le pays qui a défait Hitler, a soutenu ses élèves. Un paradoxe! Pourtant. Vendredi devrait être un jour férié pour tous les hommes épris de paix, de justice et de liberté puisque le plus grand homme de la deuxième moitié du vingtième siècle fête ses 90 ans. Il n´a pas réalisé un empire industriel, il n´a pas fondé une dynastie régnante, il n´a pas, comme Houphouet Boigny, construit la plus grande église du monde, il n´a pas promis le paradis sur terre ou au ciel à ses compagnons de lutte: il est resté fidèle, durant plus d´un quart de siècle, accroché aux barreaux de sa prison et répétant inlassablement le slogan de sa jeunesse: «One man, one vote». Ce jeune vieillard n´est autre que Nelson Mandela qui a réconcilié le Blanc avec le Noir, la nuit avec le jour et hier avec demain.