Ce qu´il y a de formidable dans les régimes démocratiques, c´est qu´on peut discuter et débattre de tout. Il y a un bémol pourtant: c´est en ce qui concerne la question juive. Les organisations sionistes et les lobbies s´y rapportant sont tellement agressifs que les commentateurs préfèrent éluder la question et passer à autre chose. Mais enfin, à part ça, les plateaux des télévisions sont le théâtre de la libre et pleine expression: tous les sujets, tous les thèmes y sont traités: Dieu, l´économie, l´Histoire, le sexe, l´argent, l´art en général. Du sujet le plus sérieux au plus fantaisiste, tout y passe et l´intérêt du débat est souvent lié non au sujet lui-même, mais surtout au talent des polémistes dont beaucoup ont passé trois décennies à exercer leur langue fourchue sur tous les médias. Ce qu´il y a de formidable encore, c´est qu´il n´y a pas de tabous, et que même si certains débats sont téléphonés et commandités par le pouvoir en place, même les ministres, et avec eux le régime n´échappent pas au feu roulant des questions embarrassantes des journalistes et des contradicteurs, lors d´un débat. La France pacifique, uniquement préoccupée jusqu´ici par un pouvoir d´achat et par une crise économique qui ne touche que les pauvres, vient soudainement d´être tirée de ses soucis matériels par la mort brutale de dix soldats tués au cours d´une embuscade dans un lointain pays appelé Afghanistan. Cette mort aurait pu paraître normale dans d´autres circonstances s´il n´y avait pas eu une opposition (et c´est ici qu´on mesure l´importance d´avoir une opposition crédible) qui cherche n´importe quelle occasion pour se distinguer et surtout s´il n´y avait pas une presse libre (d´où la nécessité d´avoir une presse libre et indépendante) pour poser les bonnes questions. Il y a eu d´abord la question de l´opposition dite de gauche, qui a posé la question de la durée et de l´importance de l´engagement français dans une expédition menée sous la bannière de l´Onu sur l´initiative du gendarme du monde, les Etats-Unis, qui sont les seuls à être susceptibles de recueillir les fruits, en termes de géopolitique, de cette aventure. La réponse du ministre des Affaires étrangères (Bernard Kouchner, diplômé en ingérence humanitaire) eut toutes les peines du monde à expliquer que le pays était engagé dans un conflit (cela rappelle curieusement la guerre d´Algérie où la France a mis presque quatre décennies pour la reconnaître comme guerre) et que ce conflit, considéré comme une simple opération de pacification (toujours les mêmes mots, toujours les mêmes maux!), peut engendrer de telles catastrophes, c´est-à-dire des morts d´autant plus douloureuses qu´elles sont perçues comme inutiles. C´est le Canard enchaîné qui enfoncera le clou en révélant la manière dont ont été exécutés par les talibans quatre de ces soldats: égorgés, comme l´ont été tant de soldats confrontés aux islamistes. Le ministre des Armées a préféré se retrancher là, derrière la pudeur qui sied à la douleur des familles de ces pauvres troufions engagés dans une guerre dont ils ne perçoivent pas l´intérêt. Cela ramène le débat au sort du pauvre Siné qui a voulu ironiser sur les propos du fils de Sarkozy qui, en sortant d´un tribunal, aurait déclaré: «Je vais me convertir au judaïsme et je vais me marier...» Il a plus de chance que ceux, Américains, Français ou candidats à la naturalisation, qui ne sont nés, eux, que pour mourir...loin.