"Ce qui est bon pour Israël est bénéfique pour les Etats-Unis". Devise de l´Aipac Personne ne doute qu´il y ait une relation spéciale entre Israël et les Etats-Unis. Israël est le premier récipiendaire d´aide étrangère des Etats-Unis, avec plus de 3 milliards de dollars annuellement, auxquels il convient d´ajouter des cadeaux Bonux divers, comme les livraisons d´armes, les remises de dettes et autres traitements de faveur. Israël est le seul pays qui reçoive la totalité de son enveloppe d´aide américaine au début de l´année fiscale, ce qui lui permet de percevoir des intérêts accrus durant la même année (en plaçant ces fonds). C´est aussi le seul pays qui soit autorisé à dépenser jusqu´à un quart de cette aide ailleurs qu´aux Etats-Unis, ce qui permet à ces dépenses d´échapper à tout contrôle américain. Mis à part leur soutien financier, les Etats-Unis apportent, depuis des années, un soutien constant à l´occupation de la Palestine par Israël, ainsi qu´à l´oppression toujours actuelle des Palestiniens, et ils ont systématiquement soutenu le refus israélien de s´engager dans des négociations de paix effectives ou dans des accords de paix. Ils ont opposé leur veto un nombre incalculable de fois à des résolutions onusiennes visant à amener Israël à se conformer au droit international. Ils ont permis à Israël de mettre au point des armes nucléaires et de ne pas signer le traité contre la prolifération nucléaire. Plus récemment (en juillet 2006), ils ont soutenu fortement l´agression israélienne contre le Liban. Le soutien à Israël traverse tous les partis américains; il est extrêmement puissant au Congrès, où l´on n´entend qu´extrêmement rarement (voire jamais) s´exprimer une critique visant Israël. Il caractérise, par ailleurs, la quasi-totalité des administrations américaines, depuis celle de Johnson, George W.Bush étant sans doute le plus pro-israélien de tous les présidents des Etats-Unis.(1) Quelle est la raison de ce soutien? Les avis à ce sujet varient énormément. Dans des cercles fortement pro-israéliens, on entend souvent dire que les raisons en sont principalement morales: la dette des Etats-Unis envers Israël, après l´Holocauste; la nature d´Israël - unique démocratie au Moyen-Orient; Israël en tant qu´allié moral et potentiellement stratégique des Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme. Les motivations de ce soutien seraient à trouver dans les activités du lobby israélien (aussi connu sous l´intitulé de lobby juif ou Aipac [American-Israel Public Affairs Committee]), qui utilise son influence formidable pour remodeler la politique étrangère américaine afin de la mettre au service des intérêts israéliens. Cette opinion a été, tout récemment, associée à un article paru dans The London Review of Books, coécrit par le professeur Merscheimer, de l´Université de Chicago, et le professeur Walt, de l´Université Harvard. Pour James Petras, le lobby pro-israélien, le lobby sioniste, est le facteur dominant dans la détermination de la politique américaine au Moyen-Orient, et il pense qu´il faut examiner ce phénomène, sans s´en tenir au seul Aipac [American Israel Public Affairs Committee, le principal organe du lobbying israélien aux USA. ndt]. Il faut examiner, pense-t-il, toute une série de boîtes à idées pro-sionistes, depuis l´American Enterprise Institute, au sommet, et en redescendant la pyramide, et en comprenant toute une configuration du pouvoir, qui n´implique pas seulement l´Aipac, mais le président des principales associations juives américaines, qui en comporte cinquante-deux. Il faut prendre en compte les individus occupant des postes cruciaux dans le gouvernement, comme Elliott Abrams, Paul Wolfowitz, Douglas Feith et d´autres encore. Il propose d´étudier cette armée d´éditorialistes ayant accès aux principaux quotidiens [américains] et passer au scanner les donateurs super-friqués du parti démocrate, les magnats des médias, etc. Il conclut en pensant que cela, ainsi que les leviers détenus au sein du Congrès et du gouvernement, ce sont les éléments décisifs de la détermination [par les sionistes] de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Je tiens à le souligner. Norman Finkestein pense qu´il faut regarder le panorama d´ensemble, puis s´intéresser au tableau local. En l´occurrence, dans le panorama -celui de la politique américaine au Moyen-Orient, de manière générale-, la connexion historique entre les Etats-Unis et Israël est fondée sur les services signalés qu´Israël procure aux Etats-Unis, dans la région, dans son ensemble, depuis pas mal de temps. Cela est devenu particulièrement visible en juin 1967, quand Israël a abattu le principal défi -ou le principal défi potentiel- à la domination américaine dans la région, à savoir le président égyptien Gamal Abdul Nasser. Par ailleurs, il est extrêmement clair, à l´examen des archives, que les Etats-Unis furent euphoriques après qu´Israël eut écrasé l´Egypte -plus exactement, après qu´Israël eut écrasé Nasser et le nassérisme- Cependant, les Etats-Unis n´y ont jamais eu le moindre intérêt, et dès 1967, ils voulaient exercer des pressions sur Israël afin de l´engager à se retirer totalement (desdits territoires). En 1967-1968, la grande question du moment, c´étaient les élections présidentielles américaines, et le vote juif. Israël allait faire en sorte de mobiliser toute la puissance de l´électorat juif afin de faire obstacle aux efforts américains visant à lui imposer de se retirer des territoires occupés. Depuis 1967, le Lobby a été particulièrement efficace. "Il semble, pense James Petras, qu´il serait très difficile d´évaluer dans quelle mesure des politiques qui se prolongent, [quasi identiques] concernant Israël, ne seraient pas compatibles avec les intérêts américains. Parlons-nous, écrit James Petras, des intérêts de l´exécutif et des trusts américains au Moyen-Orient, en particulier, ou parlons-nous de ce que devraient être les intérêts [nationaux] des Etats-Unis? Je pense qu´il est tout à fait clair que la politique des Etats-Unis vise à la construction d´un empire, à l´extension de leur contrôle politique, économique et militaire sur le monde entier, mais plus particulièrement sur le Moyen-Orient. Et les Etats-Unis poursuivent cette politique par les moyens militaires ou grâce aux mécanismes du marché, comme l´extension de firmes, la prise de contrôle de régimes clients, etc. Les compagnies pétrolières américaines se sont extrêmement bien débrouillées, par des moyens non-militaires. Elles ont élargi leurs liens commerciaux. Les compagnies pétrolières faisaient des affaires fabuleuses avant cette guerre, et elles étaient extrêmement réticentes devant le risque de s´y trouver impliquées. Il y a eu beaucoup de responsables militaires américains qui étaient opposés à la guerre contre l´Irak, car ils avaient le sentiment qu´elle porterait atteinte à la capacité militaire des Etats-Unis à défendre globalement l´Empire - Ainsi, du point de vue des intérêts impériaux globaux, la guerre d´Irak n´était manifestement pas dans l´intérêt des compagnies pétrolières.(1) "Au contraire, poursuit James Petras, si vous affinez vos recherches sur les divers membres du pouvoir sioniste aux Etats-Unis (ce qui, à mon avis, est une manière plus correcte, conceptuellement, de parler de tout cela, plutôt que de parler "du Lobby"), vous allez trouver que des gens aux loyautés duplices, comme Paul Wolfowitz, Douglas Feith, Richard Perle et Elliott Abrams, avaient à leur ordre du jour de promouvoir les intérêts d´Israël. Il se peut qu´il ait été irrationnel, pour les Etats-Unis, d´envahir l´Irak, car il existe d´autres moyens de contrôler le pétrole. L´agenda israélien est fondamentalement comme suit: Israël se fout pas mal de quel pays vous écrasez, au Moyen-Orient, dès lors que tous les trois ou quatre ans, et parfois tous les trois ou quatre mois, vous écrasez ce pays arabe-ci ou ce pays arabe-là simplement pour donner une leçon, et transmettre au Moyen-Orient le message que nous contrôlons la situation et que si vous sortez des rangs, nous allons prendre notre grosse massue et nous allons vous casser le crâne". "Maintenant, il se trouve qu´à la fin des années 1990, Israël eût préféré que le crâne que nous choisîmes de fracasser eût été le crâne de l´Iran...Rien n´indiquait que l´Irak venait en tête des priorités israéliennes. "De fait, tout ce discours au sujet du fameux document qui avait été écrit par ces néoconservateurs préconisant d´attaquer l´Irak -ce fameux document...- avait été remis à Netanyahu lorsqu´il prit ses fonctions afin de le convaincre de placer l´Irak en tête de liste. Cela a toujours été sa politique [Israël], depuis un siècle - depuis les débuts du sionisme. Le cliché le plus rabâché par le pouvoir israélien, c´est: "Les Arabes ne comprennent que le langage de la force". Aussi, quand les Etats-Unis se sont embarqués dans leur campagne contre l´Irak, les Israéliens exultaient -mais ils exultent toujours....Avant juin 1967, tout le monde se foutait allègrement d´Israël. Israël n´apparaît jamais dans aucun de leurs mémoires, à aucun des événements de cette période. Ils deviennent pro-israéliens quand Israël peut leur servir, dans leur quête de pouvoir et d´argent aux Etats-Unis. Pour étayer son plaidoyer quant à l´infiltration des Israéliens dans le corps de défense américaine, James pense que dès lors que les bureaux du Pentagone sont bondés d´agents du renseignement israélien, qui sont plus nombreux y compris les membres du personnel du Pentagone lui-même- plein de généraux israéliens, en train de faire [notre] politique en Irak, je ne pense pas qu´on puisse dire que ces gens soient "simplement des responsables du Pentagone comme les autres". Je pense, déclare-t-il, que vous ne pouvez pas faire abstraction du fait que Feith, Wolfowitz, Elliott Abrams et consorts se sont engagés à faire des intérêts israéliens leur première préoccupation au Moyen-Orient, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les Etats-Unis s´en prennent souvent à des régimes simplement afin de démontrer leur puissance, et qu´Israël a, lui aussi, un désir de faire étalage de sa force. Souvent, il y a chevauchement, ou confluence d´intérêts. Je pense toutefois qu´il est exact, aussi, de dire que sur la question spécifique de l´occupation -il y a conflit d´intérêts. En l´absence d´un lobby sioniste, il est fort vraisemblable que les Etats-Unis auraient exercé les pressions requises sur Israël afin de le contraindre à se retirer des Territoires occupés. "La multiplicité des organisations pro-israéliennes poursuit-il, n´a strictement rien d´un roman de " cape et d´épée": elles ont exercé (et exercent) des pressions sur le Congrès, elles sont impliquées dans le corps exécutif, où elles contribuent largement à déterminer la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. La politique américaine vis-à-vis des Israéliens est très différente de celles que suivent les Etats-Unis ailleurs dans le monde. C´est le résultat d´un pouvoir organisé, qui admet ouvertement et affirme très explicitement qu´Israël est sa préoccupation première...et que "ce qui est bon pour Israël est bénéfique pour les Etats-Unis".(1) Confluence d'intérêts On sait que c´est grâce au lobby juif de l´époque que Truman a rapidement reconnu l´Etat d´Israël, même s´il allait s´aliéner les intérêts arabes, lesquels étaient extrêmement hostiles à la création d´Israël. Si vous examinez la politique américaine vis-à-vis d´Israël, les Etats-Unis se mettent à dos pratiquement le monde entier au profit d´un petit pays qui ne présente pratiquement aucune valeur économique pour eux, qui est un albatros diplomatique, et qui a ses propres intérêts hégémoniques, militaires et politiques à dominer le Moyen-Orient. Nous allons à l´Onu et nous nous aliénons toute l´Europe et l´ensemble du tiers-monde quand Israël détruit Jénine, quand Israël s´engage dans des politiques génocidaires dans les territoires occupés, quand Israël viole les Conventions de Genève. La majorité des généraux américains étaient opposés à la guerre contre l´Irak et les agents d´Israël aux Etats-Unis (car c´est bien de cela dont il s´agit, et ils devraient s´enregistrer en tant qu´agents d´une puissance étrangère) s´en prenaient à eux (aux généraux) en les qualifiant de poules mouillées, parce qu´ils refusaient d´obéir aux préceptes guerriers des sionistes du Pentagone. En 1967, Israël a été le seul pays, dans toute l´histoire des Etats-Unis, à avoir bombardé un navire américain sans même s´excuser -et sans recevoir de représailles de la part des Etats-Unis. Bien entendu, cela est dans une large mesure dû à l´article de Mearsheimer et Walt, puis, pourquoi ne pas le dire, par les attaques contre le bouquin de Carter. De fait, l´article de Mearsheimer et Walt fut, dans un premier temps, refusé par Atlantic Magazine, qui l´avait pourtant commissionné. "Trois raisons peuvent être invoquées pense James Pétras, quand pour la première fois les Américains ouvrent le débat sur l´apport d´Israël à la politique américaine: D´abord à cause du désastre en Irak, le public est ouvert au débat, en particulier en raison de la prééminence des sionistes dans la décision de faire cette guerre. Ensuite, il y a une lutte interélites aux Etats-Unis, actuellement, entre des secteurs de l´establishment militaire, des secteurs du Congrès, les conservateurs contre les pro-israéliens, contre les pro-guerre. Enfin, il y a l´arrogance et la brutalité des sionistes, en particulier, de leurs organisations, qui se démènent pour tenter d´empêcher ce débat". Norman Finkelstein abonde dans ce sens: Il est clair que la débâcle en Irak constitue le cadre général de l´ouverture de ce débat. A mon avis, ça n´est pas là le résultat le plus positif, car cela va sans doute se terminer, je pense, par la création d´un "bouc émissaire" des guerres désastreuses menées par les Etats-Unis. Aussi, des questions se posent au sujet de l´"utilité" de la guidance d´Israël et de ses instructions sur la meilleure façon de contrôler le Moyen-Orient. Cela n´a pas fonctionné, en Irak, et cela s´est avéré un désastre, au Liban, l´été dernier (juillet-août 2006). Et la troisième raison, me semble-t-il, c´est qu´Israël est en passe de devenir, de plus en plus, ce que l´on pourrait qualifier de "République bananière boursouflée", avec des scandales quotidiens et cette sorte de gaspillage de ressources et que, de ce fait, Israël s´est aliéné de larges secteurs de l´opinion juive américaine "progressiste". "(1) Ce débat qui a rassemblé deux professeurs américains de naissance juive ne peut pas être taxé d´antisémite. Assurément, leur lucidité et leurs engagements permettent de voir un peu plus clair dans cet amalgame entre Juif, Israël, sionisme et antisémitisme jetés à la figure de toute personne qui essaie de faire la part des choses. Nous l´avons vu avec la diabolisation de l´abbé Pierre, de Pascal Boniface, de Dieudonné et plus récemment du professeur Raymond Barre jeté par sa famille politique en pâture à tous les Finkielkraut et autres BHL qui se découvrent une nouvelle vocation de pourfendeurs du racisme anti-blanc.. Heureusement que la morale finit et finira par triompher pour le plus grand bien des peuples et notamment du peuple juif qu´il faut, naturellement, distinguer des sionistes et de l´Etat raciste d´Israël. Le lobby israélien aux Etats-Unis est donc bien une réalité, les pays arabes seraient bien inspirés de ne pas se lamenter et d´en tenir compte dans leur relation avec les Etats-Unis. Nous ne pesons de quelque poids que par les réserves de pétrole et non par une quelconque contribution scientifique ou technologique que nous pourrions mettre en avant quand la rente ne sera plus là. 1.Le lobby pro-israélien. Un débat entre James Petras et Norman Finkelstein. Propos recueillis par Hagit Borer pour le collectif Swana de la radio (américaine) Kpfk -février 2007 Source: http://www.alterinfo.net. Vendredi 20 Avril 2007