L´été ne commence pas seulement avec la fin de la scolarité quand tous les élèves jettent joyeusement aux orties tablier et cartable en se promettant de profiter le plus possible de ces deux mois de farniente. Ce n´est pas la planque pour tout le monde puisque les lycéens qui ont eu la chance de réussir au Bac doivent encore courir de guichet en guichet pour devenir étudiants. Pourvu que l´informatique soit au rendez-vous car ce n´est pas le cas à la Poste où l´administration a institué le guichet unique pour permettre au client de ne pas avoir à faire la chaîne plusieurs fois s´il doit effectuer plusieurs opérations. Il faut voir le chaos du premier jour: les employés peu rodés au nouveau logiciel mis en place par des techniciens ont souffert pour suivre les méandres de la nouvelle technologie. Et les clients n´ont pas pu réprimer des réflexions désobligeantes comme celle-ci: «Vous auriez dû rester au stylo et au formulaire! L´informatique, ce n´est pas pour nous!» Les pauvres employés ont dû déployer un sang-froid fou et le receveur s´est démené de poste en poste pour aider ses subalternes empêtrés. Non! L´été ce n´est pas seulement les établissements scolaires fermés et la réduction de moitié du personnel actif dans les administrations: l´été c´est aussi l´arrivée des grosses chaleurs avec leur lot de transpiration excessive, où chaque effort vaut son pesant d´eau. C´est aussi la flambée des prix des fruits et légumes. Est-ce dû à la chaleur qui a la propriété de dilater tous les corps? Mystère, car sur les étals l´abondance règne. L´été se remarque aussi par l´arrivée en masse sur les marchés, de montagnes de pastèques et de melons: les clients s´agglutinent autour des amoncellements et les connaisseurs rivalisent d´intuition pour choisir ou influer sur le choix de leurs voisins. On prend la pastèque, on la soupèse d´une main, on lui donne quelques claques sur sa rondeur, on la presse contre l´oreille...Le diagnostic paraît concluant, mais cela n´empêche pas le connaisseur d´insister auprès du vendeur pour qu´il lui fasse la preuve de maturité en la découpant sur le côté blanc, côté sur lequel s´est développé le cucurbitacée dans les champs. Si les pastèques et melons ont la vedette, c´est parce que les abricots, les pêches et les prunes ont eu leurs jours de gloire. Cela ne les empêche pas de continuer une carrière discrète mais toujours confortable, malgré l´odeur nauséabonde qui accueille le visiteur dès l´entrée du marché. Il faut dire que si les policiers ont pu venir à bout des vendeurs anarchiques qui squattaient jusque-là le terrain vague qui mène au marché, ils n´ont pas encore trouvé de solution aux vendeurs de sardines qui infestent les lieux. A force d´arroser toute la demi-journée des poissons en état de décomposition avancé, il s´est formé autour de la principale entrée du marché un marécage noirâtre qui dégage une odeur pestilentielle qui, si elle ne décourage pas les chats faméliques qui rôdent, persuade finalement le client à aller se servir chez les spécialistes du congelé tout en se demandant où sont passés les services d´hygiène de la municipalité, occupée, elle, à porter secours aux arbustes flétris qui survivent dans les espaces verts.