«Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens, ceux qui la font et ceux qui en profitent.» Napoléon Bonaparte Au moment où le réalisateur Ahmed Rachedi se bat contre le ministère des Moudjahidine pour programmer son film Benboulaïd dans le Festival du film arabe, le cinéaste français d´origine algérienne, Rachid Bouchareb, prépare en catimini et dans la discrétion la plus totale, le tournage de son film en Algérie, Les hors-la-loi. L´équipe du film vient de boucler le casting du film en Algérie et entreprend le tournage le mois d´août prochain à Sétif. Mais contrairement à ce qu´on pensait, ce ne sont pas des comédiens algériens qui vont rejouer les rôles des Algériens dans le film, mais bien des Français d´origine maghrébine, alors que la production Taghit Films, la nouvelle maison de production de Bouchareb, entend recruter des figurants et des comédiens pour jouer les rôles des Français en Algérie à l´époque. Quel contraste! Des Français venus de France pour jouer les rôles d´Algériens et des Algériens vivant en Algérie vont jouer les rôles de Français venus de France. Cette politique de casting a été imposée par les producteurs français qui financent à 70% le film. C´est Samy Bouajalia et Roshdy Zem, qui ne sont pas Algériens, qui vont interpréter les rôles des indigènes algériens revenus en Algérie après la fin de la Seconde Guerre mondiale et les massacres du 8 Mai 1945. Le plus aberrant dans cette affaire est qu´il n´existe que deux comédiens d´origine maghrébine qui vont participer à ce film, le troisième n´a pas le teint maghrébin, puisqu´il s´agit de Bernard Blancan. Samy Nacery, qui a des problèmes de santé et de justice, n´a pas été retenu, alors que Jamel Debbouze a refusé de venir tourner en Algérie. Comment Bouchareb compte-t-il utiliser des comédiens qui jouent une période après la Seconde Guerre mondiale, alors que dans Indigènes, il ne restait qu´un seul survivant, Sami Bouajalia. Mieux encore, selon des assistants algériens qui travaillent dans cette phase de casting, le comédien principal du film Benboulaïd, Hassen Kachach, a été approché par la production française pour jouer un rôle de «figurant» dans le film de Bouchareb. Ce dernier a refusé, indiquant que le rôle n´était pas à sa juste valeur. Hassen Kechach a exigé de Bouchareb de jouer l´un des rôles principaux du film. Rachid Bouchareb a déclaré que ce n´était pas possible, car le rôle est déjà destiné à un comédien français. Hassen Kechach a alors répondu que, de par sa prestation dans Benboulaïd, ne lui permettait pas de se rabaisser et jouer un petit rôle ou une figuration intelligente. Il est vrai que le héros de Benboulaïd n´est pas connu en France et le film de Ahmed Rachedi, qui est tenu en otage par un ministère, n´a jamais été projeté dans l´Hexagone dans le cadre d´un festival ou dans le cadre d´une manifestation cinématographique. Un film qui est programmé au gré du gouvernement puisque le ministère de la Solidarité vient de le programmer dans le cadre de ses festivités, sans aviser le réalisateur ni le comédien principal, demain à la salle Ibn Zeydoun. Pauvre cinéma algérien! Un film qui a coûté 2,5 millions d´euros et qui n´est pas exploité pour rapporter des sous à l´Etat, le confinant dans des célébrations nationales et des comédiens talentueux qui sont sollicités pour jouer des figurants dans des films français à grand budget. [email protected]