Les deux victimes d´escroquerie mettant en cause le syndic de la cité Chaâbani Louardi devront aller au Ruisseau... Maître Abdelhamid Amara, l´avocat de la partie civile (résidents de la cité Louardi, Chaâbani) du Val d´Hydra, n´était pas du tout d´accord avec la qualification par le parquet des faits reprochés à l´administrateur de la cité: l´abus de confiance. «Non, ce n´est pas une inculpation adéquate, déclare tout de go à Kassoul la juge de Bir Mourad Raïs, c´est plutôt un abus de conformité. Ce Monsieur encaissait du fric sans jamais en rendre compte.» La présidente, qui adore les preuves, semble agacée qu´il n´y ait que des paroles. L´avis de l´avocat s´appuie sur une règle d´or: «Celui qui a une procuration, qui est dûment mandaté, ne peut escroquer. Il peut à volonté abuser de confiance», précise l´avocat qui s´apercevra plus tard, que ni Hellal Mourad, le procureur et ni les deux avocats de l´inculpé, Maître Mahmoud Nouri et Maître Mériem Zaïdi, ne partagent son avis. Majestueuse depuis son pupitre, Soumeya Kassoul, la présidente de la section correctionnelle de Bir Mourad Raïs, écoute tout ce beau monde et elle conduit les débats comme elle l´entend, préférant aller droit au but sans écorchures ni égratignures. Elle refuse les débats stériles, ceux où les lois ne sont pas respectées; «Ce tribunal cherche seulement la vérité. Les dépassements, l´outrage et autres chansonnettes sont proscrites et que nul ne doit oublier cette règle dans le cas où...», menace avec beaucoup de détermination, surtout dans les procès où des défenseurs introduisent des questions préjudiciables. S´agissant des faits, rappelons que les résidents Azzedine et Med reprochent globalement à l´administrateur sa gestion personnelle catastrophique et ce, sans respect des loi de la République. Benyoucef B. l´inculpé, est invité par Kassoul à expliquer son comportement vis-à-vis des résidents. Azzedine A. en victime, affirme que la plainte a été déposée du fait que plus de 400 résidents étaient furieux que ce «syndic» n´est nullement mandaté pour gérer la cité Chaâbani. L´inculpé Benyoucef, qui ignore visiblement les us et coutumes des juridictions, semble être emporté par des vagues plus hautes que le siège du tribunal de Bir Mourad Raïs lui-même. Il répond plus que gauchement aux questions. Et à celles du super arabisant appliqué et vigilant dans l´usage et le choix des mots d´El Moutanabi, Maître Abdelhamid Amara, il se tait. Il aura fallu qu´à plusieurs reprises son conseil, Maître Nouri intervienne auprès de la magistrate pour que Benyoucef retrouve ses esprits. Et à un moment donné, il s´exclamera comme s´il venait de suivre un mini-réquisitoire de Maître Amara: «Je refuse que l´on me qualifie d´escroc, que je comparaisse pour escroquerie. A mon âge, c´est insupportable, c´est le défunt Louardi Chaâbani qui m´a installé à ce poste. En 2005, si vous voulez le savoir, j´ai eu la confiance des résidents de l´association qui ont respecté le choix du promoteur. J´ai été élu syndic de la propriété.» Son défenseur ira même plus loin: «Madame la présidente, il n´y a pas que ces 25 protestataires. Il y a des ministres, des walis, des avocats et même des magistrats qui ne se sont jamais plaints de quoi que ce soit...» Définitivement libéré, le procès allait s´engager dans une «avenue» où tout sera permis. On saute du coq au mulet on intervient avec beaucoup de passion. On fait attention à ce que l´on dit, Mohammed Abbès répond posément à la «Fassiha» Kassoul qui apprécie les intervenants qui maîtrisent la langue. Cela va vite. La présidente continue de baliser les «choses». Elle refuse la pagaille, même si elle admet des «tirs de loin» ricochés par les uns et les autres. Chaque intervenant crache tout ce qu´il a sur le coeur. Chacun défend son pain, sa croûte et même son casse-croûte. Ce mardi, il n´y a pas de casse-cou ni de kamikaze. Grâce aux deux avocats, Maître Zaïdi ayant préféré jouer à la spectatrice, l´inculpé et les deux victimes vont droit au but. Ils sont décidés à tirer la couverture à eux. Seul, tapi dans son fauteuil de parquetier, Mourad Hellal, semble attendre le moment pour lancer quelques «gluds» depuis le pupitre à l´encontre de l´inculpé qui aura l´occasion d´éluder cette histoire de salaire mensuel perçu grâce à la collecte de fric versé par les résidents. Et c´est là le noeud gordien de tout le procès. Il y a eu assemblées générales, «et tous les deux ans, je suis reconduit dans mes fonctions» a dit l´inculpé. Kassoul veut savoir si Youcef travaille avec les quittances. La réponse est affirmative. Azzedine B. n´est pas d´accord du tout avec tout ce qui vient d´être dit: «Cela va faire cinq ans qu´il n´a pas informé les résidents. Rien ne se fait en notre présence. Il travaille seul. Il gère seul. Il encaisse seul, alors qu´une fois par an, on devrait se réunir et dresser le budget en cours et à venir?» a ajouté la victime qui répond par la négative à la question de la juge à propos de preuves fournies accompagnant la plainte. Maître Mahmoud Nouri, un des avocats de Youcef, jubile. Il vient d´avoir une idée sur l´issue des débats. Azzedine B. revient sur les fonds collectés par Youcef. Mohammed Abbès, la seconde victime entre en scène et évoque l´assemblée générale et regrette le retrait des représentants après une année d´exercice de l´association des résidents. «Normalement, il y a un bilan annuel dressé en présence des techniciens de la comptabilité», a articulé la seconde victime à qui Kassoul rappelle cette histoire de gardien sans uniforme, qui bloque la circulation à l´intérieur de la cité attenante au ministère de l´Energie et des Mines. Mourad Hellal, le procureur, s´en mêle et réévoque les lois en vigueur. Youcef l´inculpé perd son sang-froid, Kassoul le remet à sa place à sa manière. Azzedine va jusqu´à rappeler le silence de Youcef à toutes les sollicitations des résidents par voie d´huissier. L´incident est vite étouffé lorsque Youcef affirme que toute cette histoire est la seule oeuvre de... Azzedine. Ce dernier réplique: «Respectez ce lieu. Je suis un résident et j´ai le droit de me plaindre...» Kassoul laisse faire et dire. C´est bon signe. Cela veut dire qu´elle suit très bien les réponses des uns et des autres. Et Youcef de répondre à Hellal que représentent 25 ou 27 résidents, au milieu des 511? Un long débat est alors engagé sur le «combien touche le syndic?». Youcef affirme toucher 2000 DA par résident-chef de famille, soit 511 multipliés par 2000 DA? Maître Nouri, qui est pour le débat juridique, siffle un renvoi, le temps de ramener un document réclamé par la juge. «Non, non, non, il n´y aura plus de renvoi. Le tribunal l´a fait et trop même.» Maître Nouri va alors se pencher sur sa chemise pour transcrire des mots à balancer lors de sa plaidoirie. Il est si sûr que le dossier est vide, qu´il s´était abstenu de poser des questions aux deux victimes qui avaient tellement de griefs à reprocher à Benyoucef, que de preuves palpables, les preuves qu´adore toucher tout juge du siège. C´est pourquoi, à l´issue d´une courte mise en examen, Benyoucef est relaxé à la grande joie de son défenseur qui n´était pas à son premier coup d´essai. Son sympathique adversaire, Maître Amara, persuadé que les juges se trompent souvent, compte interjeter appel, car trois magistrats assis retiendront mieux les griefs de Azzedine B. et Mohammed Abbas, cet historien qui n´aime pas les histoires...histoire de n´avoir d´yeux que pour l´Histoire, l´unique.