Je l´ai suivi au bois voisin et proche du home car c´est notre voisin et je le connais. Il m´a fait mal... La composition du tribunal criminel d´Alger de ce lundi est une solide équipe formée de l´expérimenté Brahim Kharabi président et des deux charmantes conseillères Fazia Aït Mesbah et Nadia Amirouche. Assis confortablement sur le siège du ministère public, Mourad Hellal est prêt à jouer son rôle de détenteur de l´opportunité des poursuites, cette arme redoutable de la justice. Et Hellal fête les quarante jours de son premier fils Wualid, un beau bébé, qui sera peut être...magistrat. Après le traditionnel tirage au sort des deux jurés, l´audience débute en écoutant le jeune accusé racontant le forfait de viol avec violences à l´encontre d´un garçon à peine âgé de onze ans. Elève de cinquième année. Cet accusé au niveau primaire, d´une famille honorable, a reconnu les faits commis en octobre 2009 à l´ouest de la capitale dans un bois peu fréquenté. La lecture de l´acte d´accusation a meurtri plutôt l´accusé que la victime assise à droite de sa maman emmitouflée dans un hidjab gris ample cachant une mine à ne pas décrire. A la barre, le jeune accusé répond timidement aux questions du président qui lui rappelle l´attentat à la pudeur à l´encontre d´un mineur de moins de seize ans. L´accusé a les mains derrière le dos. Il semble être emporté par une trouille impossible à deviner n´était-ce le ton utilisé, un ton bas, presque éteint ce qui allait pousser le président à demander à qu´il hausse le ton. Un ton encore terre à terre lorsque l´accusé nie les faits et dit ne pas avoir touché au gamin. «Pourtant, le gosse est formel c´est vous le violeur et non pas l´agresseur. Le gosse a raconté qu´il était sorti acheter du pain, que vous l´aviez rencontré en chemin. Après quoi, vous l´auriez entraîné dans un bois et opéré l´acte abject et puis il y a le certificat médical qui est dans le dossier.» La victime affirme connaître son bourreau. «C´était un voisin», dit-il d´une voix fluette et à peine audible. Kharabi, le juge, fait répéter à la victime: «Il ne m´a jamais redemandé de le suivre car quelques jours auparavant, il m´avait fait la même demande: «Viens avec moi. Nous allons voir ton copain.» «Ah bon. Pourquoi l´avoir suivi cette seconde fois? Il t´a menacé? frappé? agressé? Pourquoi l´avoir suivi? T´es assez grand. Ta maman attendait le pain», sermonne presque, le magistrat qui suit les explications de la maman qui affirme que le bois du crime est assez loin et puis mon fils l´a suivi car c´est un voisin». Le procureur général pose une question à la victime «l´heure de la sortie de la maison pour acheter du pain». La victime répond: «Dix heures du matin.» Une seconde question relative à la distance entre le domicile et l´épicier. C´est la maman qui dit sans l´autorisation du président: «Ce n´est pas loin.» Le tribunal criminel semble se satisfaire de l´interrogatoire. Il a l´accusé qui nie et la victime qui persiste et signe que c´est l´accusé qui avait abusé de lui. Debout, mais les épaules tombantes, Hellal est plutôt affecté par ces débats qu´il qualifie de tristes. «Nos enfants ne sont plus à l´abri ni de la tentation de faire du mal, ni encore moins de résister à une invitation diabolique. Ce qui est certain c´est que l´accusé a commis l´acte bestial à l´encontre de la jeune victime mineure. Cette dernière a été formelle: «Il m´a demandé de le suivre une première fois. J´avais refusé. Mais la seconde fois il m´a convaincu en m´informant qu´un copain nous attendait. Voilà ce qui a été dit à la barre», a récité le procureur général qui est revenu aux termes du certificat médical: «Lésions fraîches et récentes.» Après avoir rendu un vibrant hommage à la maman qui a eu le courage de casser un tabou et donc sauver le petit orphelin d´un traumatisme à vie. Un traumatisme qui l´aurait éloigné de tous les voisins tout au long de sa vie. A deux reprises, il a rendu hommage à la maman. Revenant à l´accusé qui n´a eu de cesse de nier, il a regretté son attitude funeste s´enfermant dans un carcan qui ne l´avancera en rien. «Vous n´avez aucune circonstance atténuante et les dix ans d´emprisonnement vous donneront du temps pour ne plus être tenté par Satan et ses suppôts», a conclu Mourad Hellal avec beaucoup de détermination. Plaidant avec beaucoup de conviction, Maître Hadj Abdelouahab Zebiri, l´avocat de l´accusé s´est largement étendu sur les zones d´ombre constatées depuis le premier jour. Rappelant l´histoire de l´imam poursuivi pour les mêmes faits, ce problème d´attentat à la pudeur s´était alors banalisé dans le quartier où aurait eu lieu le crime. «Cependant, M. le président, la maman n´a pas donné le nom de mon client. Ce n´est que par la suite qu´elle l´a donné», a sifflé l´avocat avant de noter que même le certificat médical est daté du 09/05/2009 alors que les faits remontent au 07/05/2009. «Médicalement parlant, il est impossible que quarante-huit heures après, l´examen anal donne des saignements bleus, violacés!?!?!?». Ce qui fait dire au défenseur que quarante-huit heures après, il est impossible que l´anus saigne alors que deux jours après, la blessure est censée avoir retrouvé ses marques et allant vers la cicatrisation. Et Maître Zebiri d´aller vers une précision de taille: «Je ne suis pas dans le domaine de la médecine. Je ne suis qu´un avocat qui participe à la recherche de la vérité. J´ai dit à mon client que s´il a commis ce crime, il a droit aux circonstances atténuantes les plus larges. Tu n´as que dix-neuf ans. Non, m´a-t-il répondu avec beaucoup de conviction», a ajouté le conseil qui se refuse à voir un jeune nier un crime face à un jeune garçon qui s´accroche à affirmer qu´il a été violé. Oui, nous sommes sûrs du viol du mineur et avec violences. Mais rien ne nous dit que c´est l´accusé qui l´a fait. Oui, à part les déclarations du mineur, nous n´avons ni témoin, ni même la trace de violences exercées sur le mineur qui a été soigneusement ausculté par le médecin légiste qui n´a relevé que des traces à la suite de l´examen anal et rien d´autres», a récité Maître Zebiri qui a rappelé que de toutes les façons, c´est plutôt l´intime conviction qui va guider les membres du tribunal criminel à répondre à l´unanimité: «Non» aux questions dont le sens demeure la recherche de la vérité. Avant de se retirer, l´avocat prie la composition du tribunal criminel de bien revoir toutes les réponses des parties en présence avant de se prononcer. Maître Karima-Baya Boudaoud, la seconde avocate de l´accusé n´a pas voulu faire perdre son temps au tribunal surtout que son aîné, Maître Zebiri, ne lui avait pas laissé grand-chose à dire. C´est pourquoi la jeune avocate s´est limité, à redire que le violeur était sûrement dehors car «notre client a fait des déclarations que l´on peut prendre pour argent comptant, d´autant plus que la victime n´était pas si sûre de ce qu´elle raconte et il y a ce fameux certificat médical avec ses concepts obscurs», a balancé le défenseur qui a demandé aux membres du tribunal criminel de bien réfléchir avant de décider de l´avenir de ce jeune de dix-neuf ans. A l´issue des délibérations, le jeune accusé écope d´une peine de quatre ans d´emprisonnement. La maman, partie civile, malgré le statut de veuve, paraissait soulagée, à tel point qu´elle s´était désistée, ne demandant rien en guise de réparations considérant la peine infligée comme le plus beau des trésors. Il n´empêche que ces histoires qui nous balancent des pédophiles en liberté devraient montrer le chemin aux parents qui devraient mieux surveiller leur progéniture.