«Immigrant. Individu mal informé qui pense qu´un pays est meilleur qu´un autre.» Ambrose Bierce "Extrait de Le Dictionnaire du Diable" C´est devenu une mode, un thème porteur: le cinéma sur l´immigration clandestine. Ainsi, après Harragas de Merzak Allouache sorti le 24 février en France et qui continue de sillonner la France, nous avons découvert sur Canal+, Welcome, drame d´un jeune Kurde qui tente de traverser la Manche à la nage et qui nous a émus comme le film suisse Voyage vers l´espoir de Xavier Koller réalisé en 1990. Ces deux films ont été soutenus par le Resf (Réseau éducation sans frontières), qui a organisé leur projection en France. Mais en décortiquant les deux films, on découvre le décalage technique et thématique entre ces deux oeuvres qui évoquent pourtant le même phénomène. Contrairement à Harragas de Merzak Allouache, le film Welcome, tient la route. Un scénario bien ficelé, une mise en scène très bien soignée et surtout un casting d´enfer. Une fois encore, tourner en urgence, joue des mauvais tours pour Merzak Allouache, qui n´a pas assez travaillé son scénario, (la grande faille de ses films), qui nous a pondu Harragas, un film sobre et parfois ennuyeux, qui n´a pas réussi à séduire le public algérois. En voulant ramasser toutes les histoires racontées par la presse, Merzak Allouache a tout mis dans un seul bateau. Des jeunes tchitchi (bourgeois), un islamiste, un flic en cavale et des Noirs venus du sud du pays. En voulant raconter le calvaire d´une jeunesse de tous bords, Merzak Allouache a perdu le nord et son film n´est pas crédible aux yeux des connaisseurs et des Algériens. Contrairement à Harragas, Welcome (au titre évocateur) du réalisateur et scénariste Philippe Lioret, n´est pas inspiré des coupons de presse. Lioret a commencé à chercher «une histoire», en prenant contact avec des associations. Il est même parti à Calais pour côtoyer la vie des bénévoles et des réfugiés. Allouache a écrit son script à Paris et n´a pas enquêté sur les harraga pour l´écriture du scénario. Pour les besoins du film, Lioret et le comédien Vincent Lindon, (excellent dans ce film), se sont rendus au «quai de la soupe» à Calais, pour essayer de comprendre. Sur ces lieux où une poignée de bénévoles fournissent de la nourriture aux réfugiés, le réalisateur et son acteur ont rencontré des réfugiés très mal en point qui les ont conduits dans une décharge, lieu de repli de cette communauté. Au final, Welcome est un film réussi, qui a fait plus de 1 million d´entrées 10 nominations aux Césars et provoqué une loi à l´Assemblée. Contrairement à Allouache, Lioret n´utilise pas les clichés, mais les messages et les clins d´oeil. Et dans Welcome il en a plusieurs. A titre d´exemple, on citera le paillasson du voisin hostile aux immigrés où est inscrit «Welcome». Dans la scène finale, Vincent Lindon regardait à la télévision Christiano Ronaldo, en se rappelant le rêve gâché du jeune Bilal, surnommé «Bazda», qui rêvait de jouer à Manchester United. Il y a surtout l´histoire de la bague de son ex-femme que Vincent Lindon avait offert à Bilal. A la mort de ce dernier, Vincent Lindon a fait le voyage à Londres pour la transmettre à Mina, la fiancée du jeune Kurde. Autant de scènes émouvantes et passionnantes, qui nous donnent le sentiment d´avoir vu un grand film sur l´immigration clandestine et qui démontre qu´avant de parler sur un phénomène social récurrent, il faut se baser sur une histoire simple d´une seule personne, que de se noyer les méninges pour parler de 40 cas en même temps. [email protected]