C'est la première fois que l'on voit une action de cette ampleur au Maghreb. Il ne fait presque aucun doute aujourd'hui que les attentats sanglants qui ont ciblé le Maroc vendredi dernier et qui ont fait 41 morts et une centaine de blessés sont signés par des terroristes activant dans la nébuleuse intégriste d'Al-Qaîda ou s'inspirant fortement de ses modes opératoires. D'ailleurs, l'existence d'un lien entre ces attentats meurtriers et une organisation terroriste internationale a été officiellement annoncée lundi soir au Maroc, où les autorités assurent avoir identifié tous les kamikazes impliqués. Les enquêteurs marocains ont remonté la trace des quatorze terroristes de Casablanca. De jeunes déshérités du quartier de Sidi Moumen, âgés entre 18 et 23 ans. Enfants du pays, tous, sans exception, mais prêts à mourir en martyrs dans l'explosion de leurs bombes. Une connexion internationale avait été évoquée par le ministre de la Justice Mohamed Bouzoubaâ, qui avait révélé que des kamikazes étaient «récemment venus d'un Etat étranger», sans autre précision. Il avait ajouté que les terroristes avaient un rapport avec un groupe marocain appelé Assirat Al Moustaqim (Le droit chemin). Ce groupe intégriste s'est fait connaître en janvier dans une affaire d'assassinat par lapidation d'un homme accusé de «dépravation». Toutefois, le ministre marocain de la Communication, Nabil Benabdellah, porte-parole du gouvernement, avait estimé lundi qu'il était prématuré d'affirmer que les kamikazes de Casablanca étaient liés au réseau Al-Qaîda. «Nous serons affirmatifs sur ces questions dès que nous en aurons la preuve concrète», avait-il dit. Concernant l'identité des kamikazes, elle est désormais connue: les huit premiers identifiés avaient été signalés comme étant tous des Marocains, résidents d'une même banlieue défavorisée de Casablanca. Deux kamikazes sur les quatorze impliqués ont survécu et se trouvaient entre les mains de la police - et non pas un seul comme cela avait été initialement dit. Le ministre a indiqué que le second terroriste avait été arrêté dimanche soir, soit deux jours après les attentats. Aucune explication n'a été fournie sur cette modification des chiffres annoncés. Selon le magazine marocain Al-Ahdath Al Maghribia, très au fait des questions de sécurité, deux Egyptiens et un Saoudien étaient interrogés à Casablanca par les services de police en liaison avec les attentats. Les autorités de Tanger ont aussi annoncé l'interpellation de deux suspects: l'un d'origine afghane de nationalité française, l'autre tunisien. Le quotidien français Le Monde, lui, indique, dans son édition d'hier, que ces deux suspects ont été arrêtés alors qu'ils s'apprêtaient à quitter Tanger samedi. Ils étaient arrivés au Maroc, il y a une semaine environ, via l'aéroport international de Casablanca. D'après les premiers résultats de l'enquête, l'un des suspects se trouvait à Casablanca et l'autre à Tanger au moment des attaques. Al-Ahdath Al-Maghribia rapporte également que les services de sécurité marocains avaient arrêté un diplômé de chimie après la découverte de matériel pouvant servir à la confection de bombes dans un repaire présumé des terroristes. Un engin explosif a également été découvert dans cette maison du quartier Massira de Casablanca. Concernant l'empreinte de Ben Laden, le garde des Sceaux, Mohamed Bouzoubaâ s'était interrogé: «Est-ce en raison de ce message de Ben Laden ou par coïncidence que cela s'est produit?, l'enquête nous le dira». Rappelons qu'en février dernier, le Maroc était dénoncé comme un «pays apostat» dans un communiqué d'Al-Qaîda. En attendant, la question taraude les spécialistes de la lutte antiterroriste. C'est la première fois que l'on voit une action de cette ampleur au Maghreb, estime-t-on. On assiste à un renversement de tendance depuis les attentats de Djerba ou de Bali, constatent, depuis plusieurs mois, des analystes de la sécurité internationale. Désormais, seul le chef de mission vient de l'extérieur, parfois avec un petit état-major. Les opérationnels sont recrutés sur place. Ce sont souvent de jeunes radicaux, encadrés par quelques vétérans d'Afghanistan. Ce mode opératoire est-il le signe d'une faiblesse des structures centrales d'Al-Qaîda ou a-t-il été adopté parce qu'il marche bien? Difficile à savoir. Parallèlement, une coalition internationale s'est formée autour de cinq grands pays européens, réunis en Espagne. Ils ont décidé lundi dernier de mettre en commun tous les éléments qu'ils recueilleraient, au Maroc et ailleurs, pour favoriser une analyse commune dans la lutte contre le terrorisme. Quatorze policiers français, six espagnols et une équipe du FBI se trouvent déjà au Maroc pour prêter main forte aux autorités.