Après un silence radio de plus de six mois, Al Qaïda, par la voix de son numéro deux, Ayman Al Zawahiri, a parlé du GSPC, en l'encourageant à « chasser les Français et les Espagnols du Maghreb ». Etonnante déclaration lorsque l'on sait que la nébuleuse intégriste de Ben Laden a pour habitude de s'attaquer avec virulence dans toutes ses sorties médiatiques « au grand Satan », l'Amérique. Encore plus troublant, le fait qu'elle n'ait pas fait mention des attentats suicide commis à Alger, à Batna et à Dellys, et qui ont fait plus d'une centaine de morts et autant de blessés. Pour les plus avertis, Al Zawahiri vient de donner « des consignes de guerre » à une organisation qui veut à tout prix avoir la casquette d'Al Qaïda, même si au fond aucun lien organique n'a été prouvé depuis l'allégeance de Abou Mossaâb à celle-ci. Les menaces contre les intérêts français ne sont pas nouvelles. La dernière remonte au 10 juillet dernier lorsque Droukdel a signé un communiqué dans lequel il exprime son refus du « traité d'amitié » avec la France du fait, selon lui, que l'Islam interdit les alliances avec les apostats. Pour des sources sécuritaires, le GSPC n'a pas besoin de consignes pour s'attaquer à des cibles étrangères. « A chaque fois que l'occasion lui est donnée, il passe à l'action. Cela a été le cas pour l'attaque du bus transportant les employés de la compagnie algéro-américaine BRC, mais également les attentats commis contre des Russes, des Polonais et même des Egyptiens, sans oublier l'enlèvement des touristes allemands en 2003 », explique notre interlocuteur. L'attaque à la voiture piégée contre un convoi de gendarmes escortant des employés étrangers n'est qu'une coïncidence, selon notre source. Cette action criminelle, révèle-t-elle, démontre que l'organisation de Droukdel semble avoir du mal à aller vers des cibles plus spectaculaires, comme cela a été le cas dans les attaques de Dellys, de Batna ou d'Alger. « La voiture piégée attendait le passage du convoi des gendarmes et il n'est pas du tout exclu que les auteurs ne savaient même pas que dans le cortège il y avait des étrangers », note notre interlocuteur. Cette opération intervient après l'élimination de quatre terroristes au sud de Tizi Ouzou grâce à des révélations d'un repenti qui activait dans la phalange Ennour. Les quatre terroristes avaient été interceptés dans un barrage dressé par les forces de sécurité à la suite d'informations fournies par le repenti selon lesquelles ses anciens acolytes circulaient à bord d'une Renault Express. Ces derniers ont refusé d'obtempérer en utilisant leurs armes à feu. A l'issue d'échanges de coups de feu, les quatre terroristes ont été abattus alors que trois kalachnikovs et des bombes artisanales ont été récupérées. Il s'agit d'éléments très dangereux, selon des sources sécuritaires, qui faisaient partie du groupe ayant pris d'assaut la brigade de gendarmerie de Yakourène, en Kabylie. C'est la deuxième importante opération menée par les forces de sécurité dans la région, après celle qui a vu l'élimination de 17 terroristes depuis la fin du mois d'août dernier et l'arrestation d'une dizaine d'autres. Les nombreuses opérations antiterroristes menées depuis plus de trois mois ont été possibles grâce aux révélations de nombreux membres du GSPC qui se rendent régulièrement aux services de sécurité. Les divergences minent gravement les rangs de l'organisation, notamment depuis son allégeance à Al Qaïda et son adoption de la stratégie des attentats suicide, au point où pour la première fois des émirs de région, comme Mossab Abou Daoud du Sud, abdiquent et se rendent avec armes et bagages. L'hémorragie est accentuée avec les déclarations de grands muftis salafistes, à l'image d'Al Albani, qui expriment réprobation et condamnation des attentats suicide en général et du terrorisme au nom de la religion en particulier. Une étape qui rappelle curieusement celle traversée par le GIA vers la fin des années 1990, après les séries de massacres collectifs commises contre les populations isolées. Cette fin de semaine a été marquée par cet enregistrement vidéo ramené par un repenti qui s'est rendu à Tizi Ouzou, montrant l'exécution sauvage de Morsli Mohamed Saïd, un gardien de la prison de cette wilaya, enlevé il y a quelques mois. Le repenti ne pouvant plus supporter la « responsabilité » d'un tel acte auquel, dit-il dans une lettre adressée à certaines rédactions, il a participé indirectement. Les images sont choquantes. Après un interrogatoire diffusé pourtant sur le site web du GSPC, les scènes de torture et de décapitation sont censurées, mais diffusées dans les milieux terroristes seulement, « pour encourager, explique le repenti, les criminels à passer à de tels actes sauvages ». Le jeune Morsli apparaît les mains et les pieds ligotés, les yeux bandés avant qu'un couteau ne tranche subitement son cou. Il s'affaisse par terre, agonisant. Images vidéo qui rappellent les nombreux enregistrements d'exécutions commises par le GIA. Elles ressemblent étrangement à celles diffusées également par Al Qaïda et qui ont soulevé les réactions les plus virulentes des organisations de protection des droits de l'homme.