Il est évident que le mois de Ramadhan tire à sa fin. Cela saute aux yeux. Des signes éloquents trahissent la lassitude des citoyens: on se réveille de mauvaise grâce à cause des longues veillées, le pas devient plus pesant malgré les poches allégées par un mois d´agapes dispendieuses. Le rafraîchissement de la température annonce à sa façon la prochaine rentrée des classes et déjà les bureaux d´état civil sont pris d´assaut par des citoyens pressés de compléter un dossier d´inscription qui traînait à la maison depuis le mois de juin. Les vacances sont finies mais les mécanismes qui entretiennent une naturelle nonchalance sont toujours opérants. Pourtant, il y a une chose qui ne change pas dans le quartier: c´est le balayeur qui émarge chez l´entreprise de wilaya qui est chargée d´entretenir un minimum d´hygiène sur une voie publique envahie par un tsunami d´ordures sans précédent dans l´histoire de cette cité. Le bonhomme, d´âge mûr, vêtu d´un uniforme vert frappé du sigle de l´entreprise, se présente toujours aux aurores, dans l´espace que sa hiérarchie lui a assigné. Poussant sa poubelle verte itinérante et arborant un balai rudimentaire quasi inusable fait de tiges d´arbuste, souples et résistantes, il entame chaque jour, sans état d´âme, son labeur quotidien. Il cale sa poubelle sur roue dans un coin, et sans lever la tête, se met à balayer les trottoirs et les caniveaux pollués la veille par une population atteinte d´incivisme galopant. Il ne regarde ni à droite ni à gauche, ne fait nullement attention aux passants qui jettent un oeil admiratif, reconnaissant ou méprisant sur celui qui va redonner un aspect présentable à cette allée souillée par une négligence généralisée. Il pousse du bout de son balai usé, les petits morceaux de papier, les pots jetables, les feuilles de journaux, les mégots, les emballes plastiques et en fait un petit tas qu´il ramasse de sa petite pelle verte et jette dans la poubelle noircie par la crasse, mais qui a dû être verte à l´origine. Qu´il pleuve, qu´il vente ou qu´il fasse un soleil écrasant, il accomplit toujours sa tâche avec la même régularité. Certes, il n´a pas une petite attention pour les espaces verts jonchés de détritus de toutes sortes et que seule une armada, un commando de nettoyeurs pourrait assainir: on lui a intimé l´ordre de nettoyer les caniveaux, les trottoirs, les allées et les parkings, basta, cela s´arrête là. Il y a bien les habitants de l´immeuble qui fait le coin qui lui donnent chaque mois un petit pourboire pour nettoyer le bout d´espace vert que polluent chaque jour des drogués qui viennent partager leurs joints. Il le fait avec la même constance et ramasse les cartons sur lesquels les retraités s´asseoient: il en fait un petit tas et allume un petit feu qui fumera longtemps après qu´il soit parti, laissant le quartier propre comme un sou neuf. Mais ce soir, le quartier retrouvera sa saleté quotidienne et demain tout sera à recommencer. Il fut un temps, sous le Premier ministère de Sid Ahmed Ghozali, des opérations de volontariat avaient été menées avec le slogan «J´aime mon quartier» pour rendre aux citoyens le réflexe de défense de leur environnement. Aujourd´hui, on n´aime plus son quartier, on souhaite le fuir...