Trois citoyens debout devant le juge qui en avait par-dessus la tête des déclarations contradictoires, haineuses, dures et incontrôlées. Le verdict, lui, était inattendu ou plutôt surprenant. Le prévenu est un sportif, cycliste des années 60/70. La victime est un retraité. Ils ont deux versions diamétralement opposées. Le prévenu nie avoir balancé deux baffes. La victime est catégorique: «Remonté à bloc par son épouse, il est venu me gifler et m´expédier sa cheville dans le bas ventre me faisant voir le blanc, rouge, c´est dire la violence des coups assénés...», a raconté le vieux devant Benyounès, le juge de Hussein Dey (cour d´Alger) qui a sèchement rappelé à l´ordre l´inculpé. D´ailleurs, ce dernier s´est rendu coupable, outre de coups et blessures volontaires, de... diffamation. Il a traité de corrupteur la victime et ce, à la barre, et cela est strictement interdit. Les faits se sont déroulés durant la dernière semaine du mois courant. Outre le drame de l´affaire, il y a eu des moments où le fou rire l´a emporté, puisque même la victime s´y est mise: «C´est nous qui avions fait de lui (le prévenu) un homme.» Et le président de répliquer: «Ce n´est pas bien d´élever des hommes et de les insulter par la suite.» Ici, la morale distribuée gracieusement prépare un verdict généralement lourd à supporter. La seconde victime, un jeune de 30 ans, témoigne que Rafik, le prévenu, avait poursuivi son épouse et sa soeur jusqu´à l´intérieur du «home» et les a agressées. «Vous étiez présent?», a demandé le président. Il obtient un timide «On m´a raconté». Puis un autre: «C´est une histoire qui dure depuis des lustres.» Allez demander à la justice d´aller vite! Le magistrat est alors fixé sur cette triste histoire de familles, de voisins qui déversent les eaux usées devant le magasin du prévenu. Puis les maux ont remplacé au pied levé les mots. La mêlée précède les procédures de la police judiciaire, qui devancent les auditions par-devant le procureur et qui se terminent à la barre où chaque partie veut avoir raison. Le verdict dicté par le magistrat met O.K. tout le monde en ordonnant une enquête complémentaire. C´est sage comme décision. Rendez-vous, donc dans un semestre, car il est plus que sage pour un juge d´avoir les preuves de ce que avancent prévenu et victimes. Ceci est d´autant plus louable lorsque l´enquête préliminaire est bâclée. Mohammed Kolla, le jeune et fougueux procureur a été derrière la salutaire décision du président, car ses questions aux parties en présence ont mis à nu les incohérences des PV d´audition des uns et des autres, et donc ont heurté le mur. Des amendes ont été finalement infligées à tous ceux que la loi avait désignés coupables de...tout. L´enquête complémentaire aura été la lanterne qui a éclairé le tunnel traversé par ce dossier sombre. Heureusement que des fou rires avaient sauvé la mise et les débats.