Ce qui se passe chez l'un ne laisse pas indifférent l'autre. Dans le flot d'informations en provenance du Maroc, certaines sont contradictoires, d'autres nous poussent à poser des questions car mettant en cause notre pays. Car l'Algérie et le Maroc, ce sont deux pays voisins que l'on peut considérer comme des frères ennemis. Ce qui se passe chez l'un ne laisse pas indifférent l'autre. L'information qui nous intéresse ici a trait à l'arrestation d'étudiants algériens à Oujda, ville située à la frontière algéro-marocaine, arrestations directement liées à l'enquête sur les auteurs de l'attentat de Casablanca. Certes, des étudiants originaires d'autres pays ont été également appréhendés, notamment des Saoudiens et des Mauritaniens. Mais le fait que le ministre marocain de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, ait révélé que des kamikazes étaient récemment venus d'un Etat étranger, sans donner plus de précision, ouvre la porte à toutes les supputations. Les Algériens ont malheureusement en mémoire les attentats de Marrakech de 1994, où des milliers de leurs compatriotes avaient été chassés du Maroc sans autre forme de procès, l'Etat marocain accusant directement l'Algérie d'être derrière ces attentats, avant de se raviser lorsqu'il fut prouvé que les terroristes étaient plutôt venus de France, mais toutefois sans présenter d'excuse. Le mal était déjà fait. L'institution d'un visa pour les ressortissants algériens comme première mesure de rétorsion était venue corroborer les premières accusations, amenant l'Algérie à appliquer la réciprocité en fermant carrément les frontières avec le royaume chérifien. Depuis cette date, les relations bilatérales n'ont pas cessé de se détériorer, et les activités de l'Union du Maghreb arabe sont pratiquement gelées, malgré les efforts consentis à différents niveaux pour les ranimer. On aura remarqué que le forcing fait par le gouvernement marocain pour la réouverture des frontières entre les deux pays bute notamment sur la question du Sahara occidental, mais, en réalité, ce n'est là qu'un prétexte, le contentieux algéro-marocain étant décidément difficile à apurer. L'autre information qui prête à équivoque concerne l'identification des kamikazes, notamment la modification du nombre des survivants. Si au départ le ministre de l'Intérieur marocain avait annoncé qu'un seul kamikaze avait survécu et se trouvait entre les mains de la police, il a, en revanche, par la suite indiqué qu'un second terroriste avait été arrêté dimanche, sans fournir aucune explication sur la modification du chiffre annoncé précédemment. Sur la foi des informations données par ces deux survivants, il apparaît que l'origine des quatorze kamikazes est connue, mais huit seulement sont identifiés comme étant des Marocains. Ce qui suscite des interrogations sur les origines des six autres kamikazes. Mais les services de sécurité marocains ne peuvent pas immédiatement se dédouaner en pointant du doigt l'Algérie comme ce fut le cas en 1994. Dans ce genre d'enquête, l'empressement n'est pas de mise, car de nouveaux éléments peuvent être découverts à tout moment et remettre en cause les conclusions hâtives. Heureusement, pourrait-on dire, que la présence du FBI et de spécialistes français du terrorisme, dépêchés sur les lieux, amènera les services marocains à être plus circonspects dans l'analyse des faits, ainsi que sur les aveux des survivants et les preuves recueillies sur les lieux. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, il apparaît clairement que le terrorisme est devenu un phénomène international. Du reste, l'existence d'un lien entre les attentats de Casablanca et une organisation terroriste internationale a été officiellement établie par les officiels marocains, même si une première déclaration impliquant directement Al-Qaîda a été par la suite écartée, ou tout au moins nuancée. Que ce soit Al-Qaîda, une de ses ramifications, ou même une organisation terroriste rivale ou parallèle, rien ne prouve que l'Algérie y soit mêlée de près ou de loin. Que des Algériens affiliés à une organisation quelconque (GIA, Gspc, voire Al-Qaîda) y soient mêlés, cela est une autre paire de manches, et les services marocains auraient tout intérêt à collaborer avec les services algériens. Si le terrorisme est devenu un phénomène international, la lutte aussi doit l'être.