Comme chaque année, presque à la même date, le Salon du livre ouvre ses portes aux marchands, aux auteurs, aux lecteurs et aux curieux désireux de se frotter à l´activité déambulatoire qui prend nombre de nos concitoyens à chaque fois que l´occasion de sortir de la grisaille quotidienne leur est offerte. Pour la deuxième fois consécutive, elle se tient au complexe sportif du Mohamed Boudiaf malgré les protestations des nombreux éditeurs qui, dans un communiqué rendu public, ont dénoncé l´expérience désastreuse vécue de l´exposition précédente. Les arguments présentés semblent tenir la route mais n´ont guère eu d´influence sur la décision des organisateurs. Les mauvaises langues racontent que le quartier du 5-Juillet est plus accessible aux habitants des quartiers huppés. N´entrons pas dans une polémique vaine et stérile dont les tenants et aboutissants sont réservés aux seuls initiés. Loin des cancans, il est utile d´apprendre que notre pays frère et ami, l´Egypte, ne participe pas à cette foire du livre en vertu d´une certaine réciprocité puisque notre pays bien-aimé n´a pas participé à la manifestation livresque qui a eu lieu à Oum Dounia en janvier dernier. Il est fort probable que nous apprendrons bien d´autres choses, des plaisantes et des désagréables au fil des jours qui vont suivre. Toujours est-il que la présence de 400 éditeurs est impressionnante! Est-il vrai que c´est le livre parascolaire qui constitue la majorité des ventes dans les librairies encore ouvertes dans notre pays? Si cela était, cela serait encore une gifle supplémentaire à la politique de l´enseignement et de la culture. Pourtant, la majorité des visiteurs au Salon du livre sont jeunes: ce n´est pas seulement l´instinct grégaire qui pousse cette jeunesse à hanter les allées de l´exposition, mais une réelle soif de lire, d´apprendre chaque jour un peu plus sur les courants souterrains qui traversent la société et de faire la connaissance de certains auteurs. Mais, d´ores et déjà, il est bon de se poser la question si, durant cette grande exhibition des activités de l´esprit, nous aurons le droit à un petit coup de théâtre qui consistera en une saisie d´un livre contesté ou au miracle qui ne sest jamais produit sous ces tropiques, à la résurrection d´un livre interdit. Rêvons! Le Salon a pour but de raviver la flamme de la lecture étouffée par des années de parabole et, à présent, menacée par un Internet envahissant, et de réconcilier les Algériens avec leur Histoire et de remettre en mémoire des auteurs disparus. Les organisateurs du Sila, comme chaque année, mettent en relief un thème, un auteur, un courant: si en 2003, le Salon était dédié au monumental Mohammed Dib, grand romancier et poète mort à l´étranger et qu´en 2004, c´est au combattant émérite Frantz Fanon que l´exposition fut consacrée. En 2006, le Salon fut ouvert dans la perspective de la manifestation culturelle «Alger, capitale de la culture arabe». Dans cette optique, dans un esprit de réconciliation nationale, ont été mis à l´honneur tous les esprits frondeurs, contestataires ou conformistes des quatre décennies d´une histoire littéraire soumise à la loi implacable du parti unique et de l´édition contrôlée. C´est avec un plaisir certain que la jeune génération a découvert le fier Ferhat Abbas qui a claqué la porte au pouvoir centralisé à côté d´un historien orthodoxe, comme Mahfoud Kaddache. Le premier président du GPRA ne se sentirait pas incommodé par la proximité d´un Cheikh Bayoud, grand exégète du Coran, chargé de la culture dans l´Exécutif provisoire d´Abder-rahmane Farès... Cette année, le Salon met en vedette, outre le livre suisse, des auteurs disparus pendant l´année écoulée: Abdallah Cheriet, Abdelkader Djeghloul et Tahar Ouettar dont les livres voisineront ceux de Tahar Djaout sans problème. La réconciliation nationale serait complète si les livres censurés précédemment reparaissaient et si on n´avait pas «oublié» un certain Ahmed Akkache!