«Chacun a ses propres instants de bonheur: il s´agit simplement d´en multiplier la conscience et les occasions.» Albert Memmi - Portrait du colonisé Comme dans la politique et le commerce, les Maghrébins sont désunis dans l´audiovisuel. Cette volonté de séparer tout ce qui est uni dans le Maghreb, a été créée par les colonisateurs. Chrétien contre musulman, Français contre Arabe, et plus tard Kabyle contre Arabe et Arabe contre Mozabite. Le Maghreb United avec ses 70 millions d´habitants comme le souhaite Jamel Debouzz, n´existe pas ou survit difficilement, car Tunisiens, Marocains et Algériens se sont entendus pour ne pas s´entendre. Et pourtant, juste après la fin de colonisation et le début de l´Indépendance, ces pays avaient imaginé, déjà en 1966, le Maghrebvision, une sorte de clone de l´Eurovision. L´inauguration a été faite en Tunisie à la Radio télévision tunisienne (RTT), en présence des responsables de Radio télévision algérienne (RTA) et de Radio et télévision marocaine (RTM). Les trois organismes publics maghrébins souhaitaient établir une banque de données composée de programmes audiovisuels échangés dans le cadre de la coopération et des échanges. Une charte Maghrebvision a été même adoptée le 20 décembre 1974 par la Conférence des directeurs généraux des Télévisions maghrébines à Tunis. Lors de l´éclatement du conflit du Sahara occidental, l´ambitieux projet de Maghrebvision tombe à l´eau. Avec l´échec de ce projet, le Maghreb s´est trouvé une nouvelle fois désuni, désemparé et même distancé par le Moyen-Orient, comme le Liban qui sort lui aussi d´une guerre civile destructrice. Le Maroc, qui a tenté une expérience audiovisuelle pilote en lançant la 2M, la deuxième chaîne de télévision généraliste marocaine, le 4 mars 1989, a pris de l´avance sur ses concurrents. Même lors de la création de l´Union du Maghreb arabe (UMA) en février 1989, à Zéralda, en Algérie, le volet audiovisuel n´avait pas été évoqué. La prudence et la méfiance entre Marocains et Algériens étaient toujours de mise. Entre-temps, les 200 millions d´Arabes s´organisent et obtiennent la mise en orbite par la fusée européenne Ariane de leur premier satellite ArabSat. C´est le début de l´Asbu. Et c´est la Tunisie qui a obtenu (malgré l´absence d´un poids politique) le droit d´abriter l´Asbu (Union des radios et télévisions arabes), alors que le siège technique est situé à Alger grâce à sa supériorité technique. C´est la Tunisie d´ailleurs qui relance l´idée de la Télévision maghrébine, le 3 mars 1990, en offrant sur la RTT un programme de 3 heures dédié au Maghreb. Mais la 1re guerre du Golfe est passée par là et a installé cette fois la désunion dans le camp arabe. La création de la chaîne MBC, à partir de Londres le 1er septembre 1991, mettra un terme à l´ambition audiovisuelle maghrébine. On est trop francophone, pas assez arabe, pas assez européen, pas assez africain s´exclament certains observateurs concernés, alors que l´identité arabe de MBC et d´Al Jazeera est assez visible. En 2008, Nessma TV a estimé trouver la solution, en privilégiant un programme maghrébin avec le langage maghrébin composé du français et de l´arabe. Mais, la réalité linguistique est tout autre sur le terrain. Les invités algériens de Ness Nessma parlent en majorité français. Les Marocains alternent entre l´arabe et le français alors que les Tunisiens parlent seulement l´arabe. Aujourd´hui, la réalité est différente des années 60 et 70, avec la mondialisation, la politique cède la place au commerce. [email protected]