Face à Zaïm désarçonné, Maître Aïd défendait douze inculpés du Sahel qui traînaient quatre délits! Le cou entre ses frêles épaules, le regard vif, une moue qui lui est propre, maître Nassima Aïd était venue à Chéraga (cour de Blida) tirer douze frères africains des griffes des charges retenues contre eux. Le cou entre les épaules car l´avocate avait sa petite idée sur ce dossier qu´elle visait à descendre en flammes. Et sur ce dossier, pour le défenseur qu´était Maître Aïd, il y a tant à dire, à démontrer, à dénoncer, à détraquer les mâchoires de la machine mise en branle par les éléments de la police judiciaire et de leur chef: le procureur. Et cette journée du mardi, le procureur n´était autre que ce solide et austère Zaïm qui avait comme d´habitude un air taciturne donc, à ne pas provoquer. Et ce procureur n´est pas à provoquer car Maître Aïd qui le connaît très bien, sait que ce représentant du ministère public n´est jamais prêt à quitter le couloir de l´indivisibilité du parquet et donc applique le vieil adage qui veut que cet animal est une «chèvre même si elle vole». Il est vrai aussi que les inculpations qui vont du faux, à l´immigration clandestine en passant par de faux cachets de souveraineté, l´usage de faux sur documents administratifs, le miroitement d´existence de registre du commerce et autres trafics illicites que l´avocate aura beaucoup de conviction en tentant de les démolir un à un tout au ayant un oeil sur le parquetier qui connaît lui aussi cette «louve de la barre», Maître Nassima Aïd. Cette dernière aura aussi, durant ce procès présidé par cette délicieuse Ouahiba Mezaâche que le défunt papa, l´irremplaçable commis de l´Etat, ce haut fonctionnaire qui fut grand par la taille et le talent, Abdelmadjid Mezaâche, aurait aimé suivre dans sa jeune carrière, manifesté une curieuse attitude, celle qui consiste pour tout avocat rusé, à ne sortir l´artillerie lourde qu´au bon moment. Et cette arme secrète que nous connaîtrons par la suite, allait s´avérer si efficace que la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Chéraga, appréciera à sa manière i-e en laissant apparaître une excellente dentition saine et blanche. Les douze inculpés eux et nous nommons les Nadou D. Jean J., Ouattara, Youssef, Moussa D., Diara K. Hamidou Yahia, Dekouri L., Mamadou D., Kassi M., Oumar D., Dodiyo S. et Dorothée K. la seule femme poursuivie et qui a crié à la hogra envers des frères et par des frères. Emouvants instants... il est vrai et c´est Maître Aïd qui va le redire. Ils étaient tous là, debout, certains au regard éteint et d´autres absents. Le moment fort sera atteint lorsque l´avocate dira haut et fort que ces «frères africains sont effectivement nos frères, nos frères qui souffrent par la faute de vice de forme dans l´entreprise des agents de la Police judiciaire, nos frères qui ne méritent pas mais alors pas du tout, le statut d´inculpés-détenus. «Madame la présidente, l´honorable parquetier vient de réclamer une peine de prison ferme de cinq ans. Soit si mes calculs sont exacts, un an ferme pour chaque délit. Et les délits qui n´existent pas, sauf l´immigration clandestine pour certains Camerounais et Maliens. Ces Africains ont cru entrer dans le pays du père de l´Afrique: le Président Abdelaziz Bouteflika.» Et de balancer en direction de Zaïm, le procureur: «Vous inculpez nos frères qui sont entrés par la porte qu´a ouverte le papa de l´Afrique. Et alors?», avait ajouté Maître Nassima Aïd qui s´était vaillamment accrochée aux questions préjudicielles balancées au tout début du procès et où elle réclama, à cor et à cri, l´annulation des procédures vu la bévue des enquêteurs. Comme elle l´a appris sur le banc de l´université, Mezaâche, la juge, a su écouter de bout en bout surtout, l´emballement de Maître Aïd qui avait donné cette nette impression d´avoir enfourché un étalon noir pour partir à la charge de l´ennemi nommé: inculpations. Toutes les inculpations, à part l´immigration clandestine pour deux ou trois Camerounais et Maliens, sont bancales. Bancales car, selon l´avocate, toute l´enquête repose sur un document «mort»: elle reviendra à l´assaut du mandat de perquisition. Abordant un à un les articles du Code pénal alignés par les enquêteurs et le parquet, maître Aïd éloigne du revers de la main et le 262, le 209 alinéa II, et les articles 4, 7 et 8/44 de la loi 11/08 et l´article 32 de la loi 04/08. «Vous vous rendez compte, Mme la présidente, le mandat de perquisition daté du 21 mai 2009 a été exécuté le 18 octobre 2010 à vingt-trois heures au moment d´une cérémonie de recueillement lors des funérailles d´un proche. Dix-huit mois plus tard, le mandat de perquisition a été sorti du tiroir pour servir de clé d´exécution de la loi. C´est horrible! Et le tribunal devrait tirer les conséquences d´une telle situation», s´était écrié le conseil qui défendait les douze inculpés-détenus avec une énergie et une vigueur à toute épreuve. La présidente suit toujours avec beaucoup d´attention. Zaïm, ce procureur modèle, a dû balancer un ballon sonde à propos du mandat de perquisition: «Il n´a pas de prescription surtout que la date est une erreur de frappe», dit-il. Maître Aïd cligne des yeux et balance: «Vous êtes sûr monsieur le procureur?» Ouahiba Mezaâche en a presque assez. Elle sait ramener le calme à la barre et décider de mettre en examen le dossier sous huitaine. Une semaine plus tard, seul Yahia Hamidou écope d´une peine de prison ferme pour deux délits et les onze autres inculpés sont relaxés. Maître Aïd est aux anges. Elle promet la relaxe à Blida pour Yahia Hamidou qui donne cette impression qu´il est plutôt victime de fâcheuses circonstances. Bref! Maître Aïd donne rendez-vous au détenu à Blida et ce, après les fêtes de l´Aïd El Adha!