H.F. dix-sept ans, étudiant, se dirigeait vers le bus du Cous, sous la pluie, lorsque le couteau lui est placé... Il faisait franchement mauvais temps du côté du chantier du tramway d´Alger, entre Mohammadia et Bellevue et le jeune étudiant de première année universitaire, H.F., avait quitté le domicile familial, le kit dans les oreilles. Il se dirigeait vers le bus du Cous. Toujours ponctuel, même en cas de pluie de janvier. Et ce jeudi, le dernier du mois, il pleuvait. Il ventait. Il faisait franchement beau pour les paysans de Khemis El Khechna, Chebli et autres Hameur El Aïn et mauvais pour les Algérois des avenues Hassiba, Didouche, Ben M´hidi, Belouizdad, Benboulaïd et même commandant Mira (Bab El Oued). H.F. marchait la tête entre les épaules lorsque, tout à coup, il frissonna: un jeune de près d´un mètre quatre-vingts deux centimètres, la face émaciée, un regard aussi carnassier que celui de Jack Palance ou encore Henry Silva et Jack Elam réunis, le dépassa, effectua un tour complet autour du rond-point qui mène à la mosquée Cheïkh Larbaoui d´El Mohammadia (El Harrach) et revint derrière H.F. qui fut surpris par une attaque par derrière. L´agresseur tint bon le cou du jeune étudiant du bras gauche et pointa une lame sur la hanche droite du gamin, en réclamant le portable. Dans un réflexe hérité de son père, Djamel F., cet autre universitaire qui avait pratiqué le judo en son temps, H.F. réussit à se dégager et regarda en face l´agresseur. Un agresseur qui a eu le temps de blesser le jeune ado à l´oeil, qui s´en tirera avec un arrêt de travail de quatorze jours d´incapacité avec prolongation éventuelle. Le jeune ado, l´oeil en sang, appela son papa qui arriva sur le champ. Direction: le commissariat. Le jeune fut invité à bien regarder les photos que les policiers lui avaient montrées. Auparavant, le tuteur avait mis en garde son fils: «Fais attention, si tu n´es pas sûr que ton agresseur se trouve dans l´album de la Sûreté nationale, abstiens-toi. Je ne veux pas que tu envoies en taule un pauvre bougre d´innocent.» «Papa! la lame qui luit à l´aube et le visage du méchant sont gravés à jamais dans ma mémoire. Je le vois encore brandissant la lame avant de détaler alors que les passants arrivaient. Ne t´en fais pas. Je le reconnaîtrai entre mille. Je suis sûr» répondit H.F. qui était décidé à bien examiner l´album. Il ne mettra pas beaucoup de temps à désigner le voleur-agresseur- armé d´une arme blanche. Quelques instants plus tard, on fit venir H.F. qui reconnaîtra l´agresseur debout aux côtés de huit autres personnes. Fort expérimentés, les policiers embarquaient le suspect bon à présenter au tribunal. C´est le flagrant délit. Trois jours après l´agression, Adlène Moutane est face à la présidente de la section correctionnelle d´El Harrach. C´est le renvoi du procès. On attend la victime ou le tuteur. Une semaine après, Djamel F., le papa, flanqué de Maître Hamlaoui Benchouche son avocat, va raconter les faits avec une précision de métronome. Emu, massacré mentalement, éprouvé par la traîtrise de l´agresseur armé qui aurait pu commettre l´irréparable, le tuteur dira tout à Daouïa, la juge du siège, très attentive et patiente... Ali Marich Mohammed, l´ombrageux représentant du ministère public jouera son rôle de champion de l´opportunité des poursuites. Il s´amusera même à faire détruire les propos mensongers de l´inculpé qui avait joué les fausses déclarations, le mensonge et autres dribbles, juste de quoi sauver les meubles. Nabila Daouia, la juge est très vigilante, la magistrate ne voulait pas avaler de couleuvres du genre: «Ce jeune a prétendu que l´agresseur portait une cagoule», dit-il, avant d´abandonner la cagoule pour sortir: «Moi je portais un bonnet.» Ce qui fera réagir la présidente qui lui rappellera qu´il n´avait jamais parlé de bonnet, ni de turban, ni de chapeau et encore moins de béret!» Le procureur, lui, avait une question capitale: «Vous aviez dit tout à l´heure que vos papiers se trouvaient au commissariat depuis trois jours avant l´agression, pourquoi?» - «J´ai été injustement accusé de tentative de vol et d´agression. Je suis innocent et je ne connais pas ce jeune. Pourquoi s´est-il accroché à mes basques? J´ai confiance en la justice...» L´inculpé perd le souffle, la parole, les mots. Il a dû se remémorer la scène de son attaque par derrière: la traîtrise, la fuite, l´interpellation et surtout le remake de la scène jouée à la barre par Djamel, le papa qui était bouleversé, mais non revanchard. «Je regrette, Mme la présidente que mon fils soit pris par ses examens, sinon il serait venu vous raconter l´horreur, le cauchemar, tout, quoi!», a déversé le tuteur, vite remplacé par son avocat qui a flétri l´acte juste après s´être félicité des dix ans d´emprisonnement ferme pour tentative de vol (350) et coups et blessures volontaires à l´aide d´une arme blanche avec un arrêt de travail de quatorze jours, réclamés par Marich Ali Mohammed, le parquetier qui avait d´ailleurs, vite interjeté appel, respectant certes la décision de la juge, ce qui ne veut nullement signifier l´acceptation d´une peine assortie du sursis pour un agresseur au coûteau, à l´aube, sous la pluie, puisque dans le cas d´un doute, la présidente avait la liberté d´accorder la relaxe au bénéfice du doute. Mais condamner ce jeune contre qui, dix ans avaient été requis, à «une légère peine envoie nos citoyens à «ouvrir et grande, la porte. SVP», car il y a des gens qui refusent d´avaler des couleuvres...