Dans l'enceinte de la ville, c'est la consternation ! De Aïn Bouharou vers laquelle le service d'ordre nous avait détournés, on ne pouvait voir que la descente qui croise la route allant vers Rouafaâ et Sidi Ali N'slimane. Aït-Bouharou est un château d'eau datant du XIXe siècle. Plus bas, à cinq cents mètres environ, il y a le groupe scolaire et plus au sud les deux cimetières musulman et chrétien. Avant de pousser vers Bousbaâ, on s'était d'abord inquiété du sort des villages des piémonts au sujet desquels on nous a affirmé qu'ils avaient mieux résisté à la secousse que ceux de la plaine. Va donc pour Bousbaâ alors. Pour y accéder, un tronçon de route qui, après avoir traversé la ville de part en part, rejoint le plateau de Chender et l'autoroute de Tizi Ouzou. Face à la gendarmerie qu'on est obligé de longer pour atteindre le faubourg de Bousbaâ, s'élève la silhouette sévèrement martyrisée de la seconde mosquée de Bordj Menaïel, une mosquée dont il ne reste hélas que les murs profondément lézardés par le séisme. Et nous voilà à Bousbaâ! Les visages hagards et les immeubles affaissés par la secousse annonçaient parfaitement l'horreur qu'on nous avait décrite aux Issers déjà où malheureusement les trois étages de la famille Baâouali s'étaient écroulés sur leurs habitants. Baâouali était un artisan pâtissier originaire de Bordj Menaïel qui, à la force du poignet, avait réussi à s'éloigner du ghetto misérable de la gourbisation ancestrale de la ville de Bordj. Un travailleur dont les efforts ont été pulvérisés en quelques secondes. A notre passage à Issers, les secours n'avaient pas encore entamé le tas de gravats qui restait de sa maison. Bousbaâ maintenant ! Aux dires d'un membre d'une association de locataires de ce quartier abandonné par les bonnes fées, tous les bâtiments qui sont restés debout après le ravage de plusieurs autres doivent être rasés. La raison? Ils ne pourront, affirme le même homme, résister à une autre secousse dût-elle n'atteindre qu'un degré sur l'échelle de Richter. Et l'homme d'ajouter: «Tout ce qui nous arrive aujourd'hui, nous l'avions prévu il y a déjà quelques années.»