La quasi-totalité des leaders politiques se complaît dans un rôle passif, mais aussi très confortable de spectateur. Dix jours après le séisme, les citoyens auront constaté que sur le terrain des secours de nombreux militants de partis politiques se sont profondément investis. Ce sont en fait des Algériens qui, quelle que soit leur coloration politique, ont agi en citoyens conscients de la tragédie vécue par le pays depuis le 21 mai dernier. Mieux, très peu d'entre eux ont clairement affiché leur appartenance partisane et c'est dans un élan de solidarité sans précédent qu'ils ont fait leur devoir de citoyens. En fait, les militants de base n'ont pas tenté de récupérer le drame à des fins politiciennes. Mais au niveau des états-majors, force est de constater que le souci est autre. En effet, hormis quelques communiqués de condoléances aux populations sinistrées, les formations politiques algériennes, au lieu de marquer leur présence par une solidarité sans faille en direction de l'Etat, ont vraisemblablement opté pour le wait and see, laissant l'opportunité aux détracteurs de l'Algérie d'user et d'abuser de propos infamants en direction des autorités et du peuple algérien. La quasi-totalité des chefs de partis se complaît dans un rôle passif, mais aussi très confortable de spectateur devant l'ampleur de la tâche, pour, sans doute, utiliser à bon escient et le moment venu, toutes les failles remarquées en termes de prise en charge des sinistrés et autres dysfonctionnements dans la mise en place du programme d'urgence, débattu hier à l'APN. Même si une pareille attitude est de bonne guerre dans le monde sans pitié de la politique, il n'en demeure pas moins qu'au lendemain de la catastrophe, il aurait été très indiqué de leur part d'affirmer leur appartenance sans réserve à la République et de déclarer très officiellement leur engagement à être solidaires de l'Etat et du Président de la République qui, quoi qu'on dise, est le premier magistrat du pays. Sous d'autres cieux, aux Etats-Unis, pour ne citer que ce pays, tous les leaders de la classe politique ont donné carte blanche à George W.Bush après les attentats du 11 septembre. Son principal adversaire à l'élection présidentielle, à savoir Al Gore, a apporté un soutien sans nuance au chef de l'Etat et démontré par là même à l'opinion publique américaine et au monde entier que les USA étaient une nation qui, dans les moments durs, trouve ses enfants. Or, en Algérie, n'était le formidable élan de solidarité citoyen, l'attitude passive des leaders d'opinion a donné de l'Algérie l'image d'un pays où on refuse de venir en aide au Président quelles qu'en soient les circonstances, fussent-elles dramatiques. Les scènes déplorables constatées à Boumerdès, où le chef de l'Etat a été violemment pris à partie par un groupe de sinistrés n'est, en réalité, que l'une des conséquences de la démission des leaders des formations politiques qui, sachant l'ampleur des dégâts, ont laissé Bouteflika seul dans l'arène. En effet, «de par l'absence de réactions dignes de ce nom de la part des partis, l'opinion nationale et notamment les sinistrés, ont cédé à la panique, lorsqu'ils ont vu que face à la catastrophe, il n'y a pas eu de solidarité au sein de la classe politique nationale», relève à L'Expression un observateur qui ajoute: «Le même scénario aurait pu se produire aux Etats-Unis après les attentats si les leaders politiques ne s'étaient pas solidarisés avec George W.Bush. Rappelez-vous que pendant des heures, le président américain était introuvable et les secours n'ont pas été si efficaces que cela, car il n'y a eu que très peu de rescapés. Mais l'attitude des politiques a permis à la nation de maintenir ses rangs soudés.» Au lieu de cela, l'on a constaté en Algérie, un déferlement de haine où la démission de Bouteflika a tout simplement été réclamée par des titres de presse, au mépris de la nécessaire cohésion nationale en pareilles circonstances. Dix jours après le tremblement de terre le plus dévastateur de l'histoire de l'Algérie, les choses commencent à rentrer dans l'ordre. L'Histoire retiendra que l'Algérie s'est sortie du pétrin, grâce à la solidarité de son peuple, de son sens du devoir et des actions entreprises par un Etat isolé de ce qui devrait être son prolongement naturelle: la classe politique.